Que signifierait un défaut de paiement aux États-Unis pour les marchés et l’économie?
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Le 25 mai 2023
Dans la deuxième partie d’une publication en deux volets, David Stonehouse d’AGF examine les répercussions possibles sur l’économie et les marchés financiers si les États-Unis devaient se retrouver en défaut de paiement sur leur dette.
Bien qu’improbable, la possibilité que les États-Unis manquent à leurs obligations en raison de leur incapacité à relever le plafond de la dette ne peut être écartée dans le contexte politique actuel, comme l’a mentionné mon collègue Greg Valliere dans la première partie de ce rapport spécial.
Dans la deuxième partie, nous examinons les répercussions sur l’économie et les marchés si les États-Unis manquent à leurs obligations.
Premièrement, il est important de noter que le Trésor américain continuera de recevoir des revenus, mais pas suffisamment pour couvrir entièrement toutes ses obligations. Toutefois, même la possibilité de prioriser les paiements ne suffira pas à prévenir un impact économique négatif important. Des millions d’employés du gouvernement pourraient ne pas recevoir de chèque de paie (ou recevoir un chèque de paie réduit), les citoyens pourraient ne pas recevoir la totalité de leurs prestations de sécurité sociale, de l’assurance-maladie et d’autres avantages, ou les porteurs d’obligations pourraient ne pas recevoir la totalité de leurs paiements de coupon, selon la façon dont les dépenses sont réparties.
Deuxièmement, un défaut de paiement aurait de vastes répercussions sur les marchés financiers, surtout négatives, même si certains de ses effets pourraient être contre-intuitifs. Nous examinons ci-dessous les conséquences pour plusieurs grandes catégories d’actif.
Le marché des bons du Trésor américain a déjà connu d’importantes perturbations au cours des dernières semaines. Les porteurs de bons du Trésor ont généralement des besoins élevés en matière de liquidité, de sorte qu’ils dépendent du paiement à temps des bons arrivant à échéance. Alors que les estimations de la « date X » ont changé, les investisseurs ont réagi en achetant des bons dont l’échéance arrivait avant cette date, ce qui a fait chuter les taux de façon parfois importante (les bons du Trésor à un mois sont passés de 4,5 % à 3 % en avril) tout en délaissant les bons à plus long terme, dont le taux est passé de 4,5 % à plus de 5 %. Par exemple, si le Congrès américain prolonge la période jusqu’au 1er octobre, les taux des obligations à trois mois devraient baisser, tandis que les taux des obligations à long terme augmenteront davantage.
Les marchés du crédit devraient refléter les difficultés et l’incertitude économiques découlant de l’élargissement des écarts de taux, ce qui entraînera une baisse des prix des obligations de sociétés. Les investisseurs craignent que les flux de trésorerie des sociétés diminuent, ce qui nuirait à leur capacité de rembourser leurs dettes.
Les marchés boursiers devraient reculer de façon assez importante (au moins 10 % pour une impasse temporaire et des baisses de plus de 10 % en cas d’impasse plus longue). Comme M. Valliere l’a mentionné, il est peut-être surprenant que les actions aient été relativement résilientes jusqu’à présent. Cela s’explique peut-être par le fait que le plafond de la dette a toujours été relevé dans le passé, même s’il s’en est fallu de peu à quelques reprises, et aussi par le fait que l’on s’attend à ce que les esprits plus rationnels l’emportent, compte tenu des enjeux et des conséquences. Toutefois, les faibles majorités à la Chambre des représentants et au Sénat, combinées à la présence de législateurs d’extrême gauche et d’extrême droite, qui ont moins envie de faire des compromis, pourraient faire en sorte que cette situation soit différente. Il faudra peut-être une forte baisse des actions pour forcer le Congrès à résoudre le problème.
Le comportement des obligations d’État est plus difficile à prévoir. Certains croient que les taux obligataires augmenteront en raison de la détérioration de la confiance à l’égard du paiement de toutes les dettes des États-Unis à temps, ou en raison des décotes de la notation de crédit qui en découleraient vraisemblablement (tout comme lorsque S&P a abaissé la notation de la dette américaine en 2011). Toutefois, le ralentissement économique qui en résulterait pourrait inciter les investisseurs à se tourner vers les valeurs refuges traditionnelles que sont les obligations d’État.
De plus, si le Trésor américain décidait d’accorder la priorité aux paiements, il est probable que les porteurs d’obligations seraient au sommet de la liste ou près de celle-ci, ce qui, en soi, soutiendrait davantage les obligations que ne le laissent entendre les attentes initiales. Même si les décisions à court terme seraient probablement volatiles, mais peut-être moins graves que ce que bon nombre d’investisseurs prévoient, l’incidence à long terme pourrait ne pas être aussi favorable, que le plafond de la dette soit rehaussé ou non, comme nous le verrons ci-dessous.
Les conséquences sur le dollar américain sont un autre élément intrigant qui pourrait être difficile à discerner. Logiquement, un défaut de paiement réduirait la confiance à l’égard du dollar, comme ce serait le cas pour les obligations gouvernementales, ce qui ferait chuter le dollar. Toutefois, il n’y a pas de monnaie prête à remplacer le dollar, car la monnaie de réserve mondiale, tout comme les obligations d’État, tend à se raffermir en période de difficultés économiques. Dans l’ensemble, une certaine vigueur semble plus probable.
Enfin, l’or peut être une valeur refuge qui pourrait profiter d’un défaut de paiement aux États-Unis. Dans le passé, l’or a eu tendance à profiter des événements perturbateurs ainsi que de la faiblesse du dollar américain, le cas échéant.
En cas de défaut, l’ampleur de l’incidence serait importante, comme nous l’avons mentionné plus haut. Toutefois, la duration devrait être courte. Les répercussions d’un tel événement seraient probablement suffisamment importantes pour que la tourmente force les politiciens à agir, ce qui se traduirait par un compromis assez rapide. De plus, le gouvernement compenserait probablement entièrement certains de ses créanciers (pas seulement les porteurs d’obligations, mais tous les employés, bénéficiaires, etc.) en payant des intérêts sur les arriérés.
Dans l’ensemble, les investisseurs devraient s’attendre à une remontée des marchés boursiers si un défaut de paiement est évité, tandis qu’en cas de ventes massives d’actions provoquées par un défaut de paiement, une remontée subséquente est très probable dès que le plafond de la dette sera renégocié.
Un dernier point à noter : ce n’est peut-être pas la fragilité des négociations ni même le défaut temporaire qui constitue le dernier chapitre de cette saga. Il est probable que, quel que soit le compromis qui sera atteint, les réductions de dépenses ne seront pas négligeables, ce qui ralentira la croissance économique au cours des périodes subséquentes.
De plus, le Trésor pourrait avoir à emprunter massivement pour renouer avec ses besoins de financement du déficit et rattraper son rythme antérieur d’émission de titres de créance, tandis que la Fed pourrait maintenir son programme de resserrement quantitatif visant à épuiser les injections de liquidités qu’elle a faites pendant la pandémie. Ces facteurs entraîneraient probablement des difficultés budgétaires et de liquidité de centaines de milliards de dollars, voire davantage, au cours des premiers trimestres suivant la résolution du plafond de la dette. Ce résultat pourrait ralentir la croissance économique tout en faisant grimper les taux obligataires, ce qui pourrait peser sur les actions et les obligations de sociétés, même si nous réussissons à mettre cet épisode désagréable derrière nous.
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