En ce qui concerne l’Ukraine, la Chine a choisi une voie périlleuse
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Le 7 octobre 2022
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a entraîné des répercussions tangibles partout dans le monde. Elle a contribué à la hausse des prix de l’énergie, de l’alimentation et d’autres biens, ce qui a incité les banques centrales à relever énergiquement les taux d’intérêt cette année. Ces mesures ont eu les conséquences suivantes : l’économie mondiale ralentit, une récession semble de plus en plus probable et les marchés boursiers ont dégringolé.
L’inflation, le resserrement monétaire et les marchés financiers difficiles ici et à l’étranger ne sont toutefois pas les seules nouvelles réalités avec lesquelles les investisseurs doivent composer. Un changement plus vaste et potentiellement plus durable est l’accentuation des conflits géopolitiques, l’agression de la Russie pouvant être à la fois l’étincelle et l’accélérant. Cette nouvelle réalité ne concerne pas seulement l’Occident et la Russie, qui contribue relativement peu au PIB mondial, malgré son importance sur les marchés de l’énergie. Un autre acteur plus important participe également à ce drame en pleine évolution : la Chine. Pour les investisseurs des marchés émergents (ME), les répercussions de l’implication chinoise dans le conflit russo-ukrainien pourraient être considérables.
L’aspect le plus évident de cette participation a été l’accord tacite de la Chine à l’égard de l’« opération militaire spéciale » de la Russie (un euphémisme pour l’invasion approuvé par le Kremlin et acceptée par les dirigeants chinois) et la promesse d’un partenariat « sans limites » avec celle-ci. Il s’agit d’un exercice d’équilibre délicat, la Chine ne s’opposant pas à la Russie ni ne l’appuyant totalement. La Chine a réclamé des négociations de paix, mais sans imposer de sanctions à la Russie.
Entre-temps, la guerre ne s’est pas exactement déroulée selon le plan de Vladimir Poutine. Elle a traîné en longueur beaucoup plus longtemps que ce à quoi presque tout le monde s’attendait et, en septembre, le vent a semblé tourner en faveur des forces ukrainiennes. La Chine a de toute évidence été surprise et déçue par la tournure du conflit. Lors d’une rencontre à la mi-septembre entre les dirigeants russes et chinois en Ouzbékistan, la première visite officielle de Xi Jinping à l’extérieur de la Chine depuis la pandémie, Vladimir Poutine a reconnu que les représentants chinois avaient exprimé des « questions et des préoccupations » au sujet de l’évolution de la guerre. (Notons que la couverture de la réunion par les médias chinois, contrôlés par l’État, a été plutôt limitée.) Il semblerait de plus en plus qu’en penchant en faveur de la Russie, la Chine ait non seulement soutenu un mauvais joueur, mais aussi misé sur le mauvais cheval.
Toutefois, l’abandon du partenariat n’est probablement pas dans les plans chinois à court terme, et il ne s’agit pas simplement de sauver la face. Cette collaboration n’est pas une relation d’égal à égal – la Chine en est manifestement la bénéficiaire. À l’échelle nationale, rien ne prouve que l’emprise sur le pouvoir de Xi Jinping ait été affaiblie par le partenariat avec la Russie. Et le maintien des liens avec celle-ci présente certains avantages concrets. Comme la plupart des autres pays du monde imposent des sanctions, la Chine (ainsi que l’Inde, qui est officiellement « non alignée » dans le conflit) a un accès privilégié à la Russie et à ses ressources, la plus importante étant bien évidemment le pétrole. À l’instar de l’Inde, la Chine achète directement à la Russie, probablement à un prix nettement inférieur, puisque peu d’autres marchés sont preneurs. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’inflation chinoise a été assez modérée par rapport au reste du monde.
Le fait de pencher en faveur de la Russie, dans son conflit avec l’Ukraine, sans l’appuyer explicitement permet également à la Chine de renforcer sa position politique anti-occidentale, tout en testant et en évaluant la détermination de l’Occident face à la provocation, et ce, sans payer un prix économique important. Selon les calculs de Beijing, l’invasion de Poutine pourrait être considérée comme une précieuse confrontation par procuration avec l’Occident.
Après tout, la Chine ne peut se permettre une guerre économique « ouverte » avec les États-Unis ou l’Europe. Elle a d’autres problèmes pressants à régler à l’interne, notamment les effets persistants de ses mesures de confinement vigoureuses de sa politique zéro-COVID, ainsi qu’une crise immobilière. De façon plus générale, bien qu’elle ait des ambitions de primauté régionale (et peut-être mondiale), tant sur le plan économique que politique, la Chine a encore beaucoup de chemin à parcourir. Elle est encore en train de rééquilibrer son économie, un processus à long terme, afin de favoriser la consommation intérieure. Et bien qu’elle veuille continuer de progresser dans la chaîne de valeur économique, son secteur manufacturier est loin d’être autosuffisant; il dépend toujours des importations non seulement de matériaux, mais aussi de composantes à valeur ajoutée comme les puces à semi-conducteurs.
Pour certains observateurs, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a soulevé le spectre d’une Chine qui emboîterait le pas en tentant de prendre Taïwan par la force. La Chine n’a certainement pas renoncé à revendiquer sa souveraineté sur Taïwan, une position renforcée par les exercices militaires effectués après la visite de Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, en août. Un conflit ouvert semble toutefois peu probable à court terme, compte tenu des pressions concurrentes auxquelles la Chine est confrontée. Mais celle-ci joue un jeu potentiellement dangereux avec l’Occident en ce qui concerne Taïwan et la Russie – elle provoque, mais ne souhaite aucune réaction.
Qu’est-ce que tout cela veut dire pour les investisseurs? De toute évidence, la position ambivalente de la Chine à l’égard de la guerre entre la Russie et l’Ukraine a accru le risque de nouvelles tensions avec l’Occident, qui pourraient se traduire par des mesures commerciales plus punitives et peut-être même des sanctions économiques si l’inclination pour la Russie se transformait en soutien total. Par ailleurs, Taïwan demeure une poudrière potentielle. En revanche, les occasions qu’offre la Chine – une classe moyenne plus importante que la population des États-Unis, la primauté dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, un taux de croissance encore exceptionnel et la possibilité d’une réouverture spectaculaire après la pandémie – sont trop importantes pour que les investisseurs occidentaux les ignorent.
L’une des approches que les investisseurs peuvent envisager consiste à isoler les risques et les occasions que présente la Chine au moyen d’une stratégie de ME hors Chine, qui permet d’obtenir une exposition générale aux marchés émergents sans placements distincts sur le marché chinois. Dans les faits, la stratégie a le potentiel de limiter à l’ensemble du portefeuille de ME le risque lié à la Chine, tout en permettant des rajustements de la répartition de l’actif propre à la Chine à mesure que les événements se produisent.
Ce qui est encore plus important à court terme, c’est qu’une stratégie de ME hors Chine pourrait constituer un moyen efficace d’adopter un positionnement défensif sur les marchés émergents. Le paysage géopolitique est en proie à une transformation profonde et, en ce qui concerne l’Ukraine, la Chine a choisi une voie périlleuse. Un faux pas pourrait coûter cher.
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