
Comment la pandémie pourrait changer le paysage immobilier
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Le 30 juillet 2020
Nous vivons différemment maintenant. Nous travaillons depuis notre domicile. Nous nous tenons à distance les uns des autres. Nous portons des masques. Nous nous lavons les mains – souvent. Nous ne voyageons pas à l’étranger. Nous passons beaucoup de temps sur nos appareils électroniques, encore plus qu’auparavant. Nous cuisinons davantage. Nous avons tous ressenti les effets de la pandémie de coronavirus, et il n’est pas exagéré de dire qu’elle a changé nos vies. Mais maintenant que les sociétés occidentales commencent à émerger de ce qui semble avoir été le pire de la tourmente (espérons-le), la question que nous devons nous poser, non seulement en tant que personnes, mais aussi en tant qu’investisseurs, est la suivante : à quoi ressembleront nos vies après la COVID-19?
La réponse aura sans aucun doute une incidence importante sur l’ensemble des secteurs et des actifs dans lesquels investir. Mais pour les investisseurs dans le secteur de l’immobilier – par l’intermédiaire des fiducies de revenu et des secteurs liés à l’immobilier comme la construction et les services bancaires –, l’incidence pourrait être particulièrement importante, car nous pourrions complètement revoir là où nous décidons de vivre et de travailler. Ou peut-être pas. Il est tout à fait possible qu’avec la mise au point d’un vaccin ou avec le recul naturel de la maladie, les gens reprennent leur vie simplement là où ils l’avaient laissée, en allant tous les jours au bureau, en achetant un condo situé au centre-ville, en fréquentant les restaurants et en faisant la fête comme si nous étions en 2019. Mais les investisseurs du secteur de l’immobilier devraient tout du moins envisager un scénario de rechange, dans lequel les changements imposés à la société par la COVID-19 perdureront longtemps après sa disparition.
Ce faisant, il est important de se rappeler que l’immobilier est un secteur complexe, et que les titres de fiducies de placement immobilier (FPI) et autres titres liés à l’immobilier ne sont pas tous égaux. Il est vrai que, collectivement, les FPI sont sensibles aux taux d’intérêt, et le contexte actuel de faibles taux pourrait rendre leurs rendements intéressants. Pourtant, il est important de comprendre les activités sous-jacentes des FPI, ce qui deviendra sans doute de plus en plus crucial à l’avenir. Certaines fiducies sont plus exposées aux marchés résidentiels, d’autres aux espaces industriels et de bureaux, d’autres aux immeubles commerciaux et d’autres encore à ce qui peut être jugé comme des biens immobiliers « spécialisés ». Pour chacun de ces segments du marché, l’incidence de la COVID-19 a été différente, tout comme, peut-être, son potentiel à long terme.
Prenons l’exemple de l’immobilier résidentiel. Comme le taux de chômage a atteint les deux chiffres en avril, en mai et en juin au Canada comme aux États-Unis, les FPI résidentielles ont suscité beaucoup d’inquiétude, car la récession découlant de la COVID-19 remet en question la capacité des locataires à payer leur loyer à court et à moyen terme. L’indice Dow Jones U.S. Residential REIT, par exemple, a reculé de plus de 20 % depuis le début de l’année, même s’il a regagné plus de 30 % par rapport au creux atteint à la fin du mois de mars. Nous entrevoyons également quelques problèmes potentiels à long terme pour l’immobilier résidentiel si la main-d’œuvre nord-américaine continue le télétravail à mesure que la pandémie de COVID-19 se résorbe. Cela pourrait bien changer la dynamique de la demande de logements au sein des régions. La main-d’œuvre pourrait progressivement migrer des régions urbaines aux régions périphériques afin de profiter de prix moins élevés, de se prémunir du risque d’une nouvelle infection et de maintenir le mode de vie plus sédentaire (plutôt que celui avide d’expériences) qui s’est développé en période de COVID. Ce changement pourrait tout particulièrement toucher les jeunes millénaux, qui, collectivement, ont fortement stimulé la demande de logements locatifs, de copropriétés et de premières maisons en milieu urbain. Pour eux, l’attrait de vivre dans un petit condominium d’un demi-million de dollars au centre-ville pourrait s’estomper. L’achat d’une résidence plus grande (dotée d’un réseau Wi-Fi afin de pouvoir y travailler) à l’extérieur de la ville, avec une grande cour arrière, une cuisine complète et peut-être même une piscine, pourrait soudainement ne plus sembler une option aussi ennuyeuse.
Cette tendance potentielle pourrait avantager les FPI résidentielles et les constructeurs d’habitations qui sont prêts à prendre le risque d’investir dans des propriétés non urbaines. Le contexte des taux constitue un autre facteur favorable, y compris pour les banques. Aux États-Unis, les actions des constructeurs d’habitations ont augmenté d’environ 70 % par rapport à leur creux de mars, stimulées par l’engagement à long terme de la Réserve fédérale (Fed) à maintenir de faibles taux d’intérêt, ce qui se traduit par des coûts d’emprunt historiquement bas pour les acquéreurs. Selon nous, les occasions les plus intéressantes pourraient concerner les banques, où les actions ne se sont pas autant redressées depuis mars. Avec la retenue de la Fed pour une durée indéterminée, la courbe des taux devrait s’accentuer, ce qui devrait favoriser la rentabilité des banques. Les défaillances n’ont pas été aussi graves que certains observateurs le craignaient, et si les banques américaines peuvent maintenir une bonne capitalisation et que l’économie se redresse (deux conditions fort incertaines, bien sûr), elles pourraient alors présenter une bonne valeur aux cours actuels.
N’oublions pas non plus que la pandémie de COVID a contraint les gens non seulement à travailler, mais également à magasiner depuis chez eux. Le marché a pris conscience que cela aurait potentiellement des répercussions à long terme et a réagi en punissant les détaillants traditionnels et en récompensant les géants du commerce électronique, dont certains des titres ont progressé de plus de 50 % depuis le début de l’année. Comme on pouvait s’y attendre, les FPI qui investissent dans des immeubles commerciaux ont été durement touchées, l’indice Dow Jones U.S. Retail REIT ayant reculé de plus de 40 % depuis le début de l’année.
Toutefois, d’autres segments du marché immobilier se portent bien et devraient poursuivre leur ascension. L’accélération de l’économie numérique profite à certains segments spécialisés de l’immobilier, notamment les infrastructures comme les tours de communication et les centres de données. La poussée du commerce électronique a également eu pour effet d’accroître la popularité des espaces industriels, en particulier les entrepôts et les centres de service, qui sont essentiels à la chaîne d’approvisionnement complexe des transactions en ligne. L’indice Dow Jones U.S. Industrial and Office REIT est en baisse pour l’année, mais de moins de 15 %. Cette diminution des cours reflète probablement les perspectives à long terme plus sombres pour les immeubles de bureaux, car de plus en plus d’entreprises adoptent des politiques de télétravail ou des modèles d’exploitation en étoile, dont le domicile des employés fait figure de plaque tournante.
En fin de compte, l’avenir du marché immobilier dépend d’un certain nombre de facteurs qui n’ont pas encore été éclaircis, depuis la mise au point d’un vaccin jusqu’à l’évolution des tendances en matière de travail et de logement. Alors que les investisseurs réfléchissent aux possibilités, ils ont tout intérêt à comprendre les complexités du marché immobilier, qui était particulièrement segmenté avant la pandémie et qui le sera encore plus ultérieurement. Les avantages d’un changement spectaculaire en matière de travail et de mode de vie, le cas échéant, ne seront pas répartis également. Il peut certes paraître difficile de croire que seulement quelques mois pourraient suffire à effacer les modèles sociaux qui se façonnent depuis un siècle ou plus, mis nous devons garder à l’esprit que les catastrophes ont toujours été d’importants moteurs de changement. Après tout, rien ne dure éternellement.
Stephen Bonnyman est cochef, recherche sur les actions nord-américaines, et gestionnaire de portefeuille de titres canadiens et mondiaux du secteur des ressources naturelles à AGF. Il contribue régulièrement à Perspectives AGF.
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