
Guerre et crainte de récession
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Le 3 mars 2022
Les marchés financiers, qui chancelaient déjà devant la perspective d’un ralentissement de l’économie mondiale, doivent désormais composer avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, explique le chef de la direction et chef des investissements d’AGF.
Les rumeurs de récession continuent de se répandre. À quoi les investisseurs peuvent-ils s’attendre?
Le risque de récession semble limité, maintenant que de nombreux pays à travers le monde s’affairent à lever les dernières restrictions qu’ils avaient mises en œuvre pour lutter contre la pandémie. En fait, les gouvernements ont de plus en plus tendance à penser que les mesures d’urgence qui ont pénalisé l’économie au cours des deux dernières années ne sont pas tenables à long terme et pourraient donc les abolir si le virus finit par devenir endémique, comme de nombreux spécialistes de la santé publique s’y attendent.
Néanmoins, même dans ce cas et si la pandémie finit par disparaître, on ne peut pas vraiment exclure complètement le risque de récession. À tout le moins, un ralentissement d’une certaine importance pourrait être inévitable, compte tenu de tous les obstacles susceptibles d’entraver la croissance au cours des prochains mois.
Le facteur de risque le plus récent est bien évidemment l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La crise humanitaire qui se déroule en ce moment et le nombre de victimes sont certes épouvantables, mais, si la guerre devait se poursuivre, elle pourrait également avoir des conséquences graves sur l’économie. Les sanctions contre la Russie, dont la liste ne cesse de s’allonger, sont certes un élément essentiel du soutien de l’Occident à l’Ukraine, mais elles risquent de peser sur la croissance mondiale, au moins dans une certaine mesure. Cela dit, un affaiblissement de l’économie russe ne constituerait pas le risque le plus important. Sa contribution au PIB mondial est, au mieux, modeste. Le plus inquiétant, c’est l’effet que la guerre pourrait avoir sur les prix mondiaux de l’énergie si les pays occidentaux devaient ajouter le secteur pétrolier et gazier russe à leur liste de sanctions ou si la Russie devait réduire ses exportations de pétrole et de gaz naturel en représailles. Même sans cela, les prix du pétrole ont flambé ces derniers jours à la suite des perturbations de l’offre provoquées par la guerre et parce que certains négociants en produits de base craignent de se retrouver à contre-courant, compte tenu de la volonté croissante, au sein de la communauté financière, de se défaire des actifs liés à la Russie.
Autrement dit, la guerre risque d’exacerber le climat actuel de forte inflation?
Exactement. Si les prix de l’énergie devaient encore augmenter, pensez à ce que cela pourrait signifier pour le pouvoir d’achat des consommateurs. Si, lors d’une sortie de magasinage hebdomadaire à cette époque l’an dernier, ils pouvaient faire l’épicerie, faire le plein d’essence et s’acheter une paire de lunettes de soleil ou de nouveaux jeans, ils voudront ou devront peut-être désormais se limiter à la nourriture et à l’essence, ce qui risque de nuire à l’économie. La croissance des salaires est peut-être la seule chose qui empêche la situation de s’aggraver à l’heure actuelle. Les augmentations salariales suivent, plus ou moins, le rythme de la hausse des prix et pourraient continuer à le faire tant que les employeurs seront en mesure de transférer celles-ci sur les consommateurs. À un moment donné, toutefois, ce lien entre hausses de salaires et inflation finit par se fragiliser, et ce sont les dépenses discrétionnaires qui en subissent particulièrement l’impact.
Comme si cela ne suffisait pas, la menace de resserrement de la politique monétaire est toujours présente. La Réserve fédérale américaine et d’autres banques centrales ont peut-être baissé le ton par rapport à il y a un mois, en raison de la guerre en Ukraine, mais elles restent déterminées à relever les taux d’intérêt. Or, même si le but est, à terme, d’enrayer l’inflation, les hausses de taux risquent de faire encore baisser le pouvoir d’achat, puisqu’elles se traduiront par une augmentation de prix des articles coûteux qui sont généralement achetés à crédit, et ainsi plus difficiles à justifier.
Il y a également un manque de mesures de relance budgétaire, surtout aux États-Unis, où le soutien à une augmentation des dépenses publiques a pratiquement disparu. À tel point que le programme Build Back Better (reconstruire en mieux) du président américain Joe Biden n’a toujours pas été approuvé et que certains l’ont rebaptisé Build Back Never (ne jamais reconstruire). De plus, bon nombre des programmes d’aide qui avaient été mis en place au plus fort de la pandémie, il y a près de deux ans, sont arrivés ou arriveront bientôt à échéance. C’est notamment le cas du moratoire sur les prêts étudiants, qui devrait prendre fin le 1er mai, à moins d’une nouvelle prolongation. Cela signifie qu’une bonne partie de la population américaine, déjà aux prises avec la hausse des prix à la consommation, devra également prochainement recommencer à rembourser ses prêts, à des taux d’intérêt potentiellement plus élevés.
Dans ces conditions, si la récession est le pire qui puisse se produire, qu’est-ce qui pourrait arriver dans le meilleur des cas?
Pour tout le monde, pas seulement pour les investisseurs, le meilleur scénario serait la fin de la guerre injustifiée de la Russie contre l’Ukraine. Au minimum, il ne faut pas que le discours selon lequel le conflit pourrait dégénérer en guerre nucléaire se concrétise. Au-delà de cela, dans un scénario idéal, les taux d’intérêt augmenteraient de façon mesurée pour renouer avec leurs niveaux d’avant la pandémie, dans un délai d’environ deux ans. Cela permettrait de freiner le ralentissement économique qui pourrait découler d’une hausse plus marquée et plus durable des taux, sans toutefois empêcher les autorités monétaires de s’acquitter de leur tâche principale, soit la baisse de l’inflation. Celle-ci pourrait reculer de toute façon, à mesure que les problèmes d’approvisionnement s’atténueront plus tard cette année et que son taux sur 12 mois commencera à diminuer naturellement, à compter du trimestre prochain. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que de nombreux types d’inflation – comme la hausse des prix de l’énergie et des aliments – ont tendance à se corriger d’eux-mêmes lorsqu’ils atteignent un niveau qui fait baisser la demande.
Il ne s’agit pas de dire pour autant que toute inflation est mauvaise. Une petite dose peut être une bonne chose, surtout si elle coïncide avec une hausse des salaires réels permettant aux consommateurs de maintenir leur pouvoir d’achat. De plus, si les entreprises peuvent également augmenter leur productivité en investissant dans la technologie, cela pourrait réduire considérablement le risque de hausse incontrôlable des salaires susceptible de créer encore plus d’inflation par la suite.
Une telle issue peut sembler illusoire pour les investisseurs confrontés à la réalité aujourd’hui, mais elle est a priori plus probable qu’une récession. Même si la guerre brouille les prévisions économiques pour le moment, elle pourrait également inciter les autorités monétaires à se montrer plus modérées dans leurs efforts de relèvement des taux, au cas où l’inflation retomberait d’elle-même, lorsque les problèmes d’approvisionnement de l’an dernier finiront par se dissiper, une fois que la Covid sera vaincue.
Kevin McCreadie est chef de la direction et chef des investissements de La Société de Gestion AGF Limitée. Il collabore régulièrement à Perspectives AGF.
Renseignez-vous davantage à propos de nos compétences en matière d’investissement fondamental, alternatif et quantitatif.
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