
Jusqu’où ira la Fed?
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Le 20 avril 2020
Les reproches comment à s’accumuler : les institutions gouvernementales du monde entier essuient de plus en plus de critiques en raison de leur manque apparent d’action ou de réactivité face à la pandémie de COVID-19. Pourtant, une institution pourrait bien se hisser au-dessus de tout reproche : la réserve fédérale américaine (Fed). Par rapport à d’autres organismes gouvernementaux, y compris d’autres institutions monétaires, la plus grande banque centrale du monde a réagi sans tarder et avec force à l’épidémie : elle a abaissé les taux d’intérêt à un niveau proche de zéro au début du mois de mars, a revu à la hausse son programme de rachat d’actifs et a lancé un plan de prêts d’urgence aux entreprises de plusieurs milliers de milliards de dollars. La question est maintenant de savoir jusqu’où la Fed est prête à aller, et si elle en a les moyens.
Bonne nouvelle : la Fed dispose de ressources importantes. La Grande Récession a, en quelque sorte, servi de préparation à la crise que nous traversons aujourd’hui, car certaines des mesures non conventionnelles prises par la Fed ou d’autres banques centrales à l’époque font, aujourd’hui encore, office de références. Le président de la Fed, Jerome Powell, peut également s’inspirer de la Banque du Japon, qui élabore de nouvelles politiques monétaires depuis près de trente ans, pour remédier à la croissance faible ou atone du pays.
Au vu de ces informations, la Fed serait susceptible de mettre en œuvre cinq initiatives supplémentaires, même si toutes ne nous paraissent pas aussi probables. Après tout, ce n’est pas parce que la Fed peut intervenir qu’elle le fera forcément.
- Une nouvelle baisse des taux d’intérêt
Le Japon et l’Europe ont montré que les taux d’intérêt directeurs pouvaient descendre en dessous de zéro. Pourtant, nous serions surpris de voir la Fed suivre cette tendance. D’une part, les efforts des banques japonaise et européennes ont produit des résultats tout au plus discutables, au point que certaines banques de la région commencent déjà à remonter leurs taux à zéro. D’autre part, dans le contexte du marché libre nord-américain, des taux négatifs pourraient sembler néfastes au bon fonctionnement de l’économie. Enfin, même si des représentants de la Fed ont reconnu, lors de commentaires publics et privés, que le fait de recourir à des taux négatifs était une possibilité, ils se montrent particulièrement opposés à cette idée. - L’achat d’actions
Là encore, le Japon fait figure d’exemple : il y a bientôt dix ans, la banque centrale nippone a mis au point un programme d’achat d’actions visant à injecter des liquidités dans le système. Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, la Fed a déjà pris l’initiative d’accroître son programme de rachat d’actifs, de façon à inclure des obligations de municipalités et de sociétés, ainsi que certains titres à rendement élevé. Les actions pourraient donc suivre. Toutefois, ce scénario nous paraît peu probable, du moins à court terme, surtout parce qu’une telle mesure nécessiterait l’accord du congrès. De plus, en dépit de son désir évident d’aider à surmonter cette période sans précédent, la Fed a laissé entendre qu’elle préférait éviter autant que possible de déclencher certains aléas de moralité. - La mise en place de contrôles de la courbe des taux de rendement
En 2016, la Banque du Japon a accru son programme d’assouplissement quantitatif en établissant des taux cibles pour les titres à court terme et ceux à long terme. Il s’agissait d’un moyen de maintenir efficacement des taux faibles à long terme, alors que ceux à court terme étaient déjà à zéro, voire en dessous. S’il venait à envisager une telle mesure, Jerome Powell pourrait puiser dans les archives mêmes de la Fed, puisque celle-ci avait mis en œuvre des contrôles de la courbe des taux de rendement en 1942, afin d’aider à financer l’effort de guerre faramineux des États-Unis. Selon nous, il paraît plus vraisemblable que la Fed renforce son cycle d’assouplissement quantitatif à court terme en contrôlant la courbe des taux de rendement qu’en achetant des actions ou en faisant tomber son taux directeur en territoire négatif. - Le retour du cadrage prospectif
Le cadrage prospectif était, depuis la Grande Récession et jusqu’à l’année 2016, l’un des principaux outils de communication de la Fed, par le biais duquel elle exposait clairement aux marchés ses intentions au sujet des taux d’intérêt et d’autres politiques monétaires. Étant donné le grave impact économique de la COVID-19 et l’ampleur de la réponse monétaire, nous pensons que la Fed pourrait renouer avec cette pratique, afin d’aider à gérer les attentes des investisseurs, surtout lorsqu’elle commencera à mettre en œuvre ses programmes d’intervention face à la crise et qu’elle entamera un retour à la « normale ». - Une multiplication des programmes de prêts aux particuliers
Les mesures prises par la Fed au cours des dernières semaines concernent en grande partie la liquidité des marchés des capitaux. À l’avenir, la priorité sera clairement donnée aux particuliers, et non aux géants de la finance. Le risque de solvabilité est redoutablement élevé pour les ménages et les petites entreprises, car nombre d’entre eux ne disposent que de quelques semaines ou mois de réserves pour faire face au confinement. Il sera primordial de leur fournir d’autres prestations sous forme de liquidités ou de prêts pour les aider à amortir l’incidence économique du virus. Il s’agira, selon nous, de la priorité de la Fed à court terme.
Bien évidemment, nous ignorons à quoi ressemblera la nouvelle norme, mais la Fed a d’ores et déjà montré son intention d’aider à remettre l’économie sur les rails, coûte que coûte. Et malgré cela, elle devra vraisemblablement redoubler d’efforts.
David Stonehouse est vice-président principal et chef des investissements nord-américains et spécialisés à Placements AGF Inc. Il contribue régulièrement à Perspectives AGF.
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