
La Chine : une puissance économique, mais encore émergente
Auteur :
Le 8 mai 2019
La seule économie qui la dépasse en taille est celle des États-Unis. Sa population de milliardaires est deuxième au classement mondial. Les fortunes se sont bâties dans toutes sortes de secteurs, des technologies à l’immobilier, en passant par les cryptomonnaies et les croustilles.
Ainsi, peut-être peut-on pardonner à ceux qui, comme le président des États-Unis, s’interrogent : pourquoi la Chine est-elle encore considérée comme un marché émergent ou un pays en développement?
« La Chine, qui est une grande puissance économique… profite d’énormes avantages, surtout par rapport aux États-Unis, s’est-il indigné sur Twitter, au tout début de la guerre commerciale, dénonçant le statut de pays en développement de la Chine au sein de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Qui trouve ça normal? »
Donald Trump considère qu’il est de bonne guerre d’invoquer le statut de la Chine au sein de l’OMC pour justifier l’imposition de surtaxes douanières sur toutes sortes d’importations, de l’aluminium à l’acier en passant par les laveuses et les panneaux solaires. Ce conflit commercial pourrait prendre plus de temps que prévu avant d’aboutir une trêve, étant donné les menaces formulées par le président américain cette semaine, selon lesquelles il fera passer les tarifs douaniers de 10 % à 25 %. Donald Trump n’est pas le seul à remettre en question le statut de pays en développement de la Chine, étant donné l’ascension des trois dernières décennies que ce pays a connue.
Pour certains observateurs, la Chine est un paradoxe : d’un côté, une population de quelque 1,4 milliard d’habitants, un pays à l’avant-garde de l’innovation que l’on surnomme la « prochaine Silicon Valley », des consommateurs arborant le logo Gucci et flânant dans les rues de Shanghai ou de Shenzhen bordées de gratte-ciels étincelants. De l’autre, loin de l’essor du littoral chinois, des millions de fermiers démunis travaillent la terre et vivent dans des habitations creusées à flanc de montagne. Autrement dit, la Chine est devenue un pays où nantis et défavorisés sont nettement séparés entre ville et campagne. Cette inégalité de richesse est illustrée par le fait que 1 % de sa population contrôle près d’un tiers de la richesse totale du pays, selon un rapport de 2015 de l’Université de Beijing, intitulé China Family Panel Studies.
Parallèlement à cela, l’ascension du pays au rang de deuxième puissance économique mondiale a été spectaculaire. En effet, le pays a évolué depuis sa demande d’adhésion à l’OMC, dont les deux tiers des membres ont le statut de pays en développement (un statut obtenu par auto-désignation). En vertu de ce statut, les pays disposent d’un « traitement spécial et différencié », qui leur procure une plus grande liberté pour définir leur propre conception du libre-échange, de la déréglementation et de la libéralisation. Il fait peu de doute que ces avantages ont permis à la Chine de prendre de l’ampleur rapidement. Le pays se montre réticent devant la possibilité de perdre ces atouts, plus particulièrement celui de pouvoir subventionner son secteur agricole et d’imposer des barrières à l’entrée plus élevées que celles des économies développées.
Définition d’un marché émergent
Dans leur passage d’une économie agraire à une économie exportatrice, tous les pays émergents ou en développement présentent des caractéristiques communes, notamment un taux rapide de croissance et d’industrialisation. Toutefois, au sein de l’OMC, les pays « en développement » et les pays « développés » s’attribuent eux-mêmes leurs statuts, alors que d’autres intervenants, comme Morgan Stanley Capital International (MSCI), ont établi plusieurs critères pour définir les marchés émergents, comme la taille, la liquidité et l’accessibilité. Ce dernier critère fait notamment référence aux restrictions relatives à la propriété étrangère et à la facilité avec laquelle les investisseurs peuvent faire entrer et sortir leurs capitaux d’un marché.
Trois des dix premières économies mondiales, à savoir la Chine, le Brésil et l’Inde, sont considérées comme des pays émergents, ayant un faible PIB par habitant (niveau de revenus personnels). Par exemple, le PIB par habitant de la Chine est de 8 827 $ US, contre 59 532 $ US aux États-Unis, selon les données de 2017 de la Banque mondiale.
Après l’important ralentissement observé à la fin de l’année dernière, l’économie reprend de la vitesse.
De plus, bien que l’économie chinoise eût fortement ralenti à la fin de l’année dernière (ce qui a été exacerbé par les tensions commerciales), les chiffres du premier trimestre révèlent un redressement, attribuable au commerce de détail, aux exportations et à l’investissement immobilier. Le taux de croissance économique de la Chine s’est maintenu à 6,4 % pour les trois premiers mois de 2019, soit un peu en deçà des 6,6 % atteints pour l’ensemble de 2018. Les exportations se sont distinguées, puisqu’elles ont largement dépassé le taux de 6,5 % prévu par la majorité des analystes, enregistrant une croissance de 14,2 %, après un plongeon de 20,7 % en février, selon les données de Bloomberg.
En fait, la Chine surpasse tous les autres marchés émergents. Dans l’ensemble, elle demeure une économie gérée, que le gouvernement a pu stimuler et freiner au moyen de politiques budgétaires et monétaires. Il est clair que les négociations commerciales ont fait fuir certains investisseurs, mais elles ont aussi créé des occasions d’achat. La conclusion d’un accord définitif ne sera pas chose facile, mais il est très probable qu’une résolution améliorera les relations commerciales bilatérales et que la Chine acceptera d’augmenter ses importations de biens américains tout en ouvrant son économie aux sociétés mondiales.
La suite…
Il y a d’autres raisons, plus importantes, d’être optimiste à l’égard de la Chine.
Tout d’abord, le gouvernement a adopté environ 70 mesures de relance; certaines sont entrées en vigueur au troisième trimestre de 2018 et d’autres seront mises en œuvre ce mois-ci. La Chine continue de désendetter son économie, freinant les octrois de prêts tout en réduisant la dette globale. Tandis que la construction et l’industrie lourde ont été les principaux moteurs de la Chine tout au long de sa première phase de croissance, bon nombre des mesures de relance actuelles sont axées sur le secteur des services et la demande intérieure, laquelle représente déjà environ 60 % de l’économie chinoise, selon le Conseil chinois pour la promotion du commerce international. Selon Cornerstone Macro, société de recherche sur les placements, l’effet global des mesures de relance devrait représenter au moins 1,6 % du PIB de la Chine (le Fonds monétaire international le situe à 2 %).
Les marchés boursiers chinois, qui étaient jusqu’ici dominés par les investisseurs individuels, sont en train de s’ouvrir aux investisseurs institutionnels. L’inclusion des actions chinoises de type A dans l’indice MSCI l’année dernière a contribué à donner le coup d’envoi de cette transition. Traditionnellement, les actions chinoises de type A (actions de sociétés établies en Chine) se négociaient exclusivement sur les bourses de Shanghai et de Shenzhen, en raison des restrictions sur les investissements étrangers. L’année dernière, MSCI a annoncé son intention de quadrupler la pondération des actions de la Chine continentale dans ses indices de référence mondiaux; le pays passera de 5 % à 20 % en trois étapes, ce qui injectera des milliards de capitaux étrangers dans l’économie chinoise.
Pour toutes ces raisons, les investisseurs ont tout intérêt à surveiller la Chine de près en 2019. Après tout, n’oublions pas ce que la Chine a su réaliser le temps d’une seule génération : passer du statut d’usine mondiale de gadgets bon marché à celui de chef de file technologique mondial. À quoi faut-il s’attendre? Au moins à un marché plus développé et à une économie plus libérale. Il est fort probable que la croissance ralentira, mais elle restera bien plus vigoureuse que celles des marchés développés comme les États-Unis et l’Europe.
Regina Chi est vice-présidente et gestionnaire de portefeuille à Placements AGF Inc.
Les commentaires que renferme le présent document sont fournis à titre de renseignements d’ordre général basés sur des informations disponibles 6 mai 2019 et ne devraient pas être considérés comme des conseils personnels en matière de placement, une offre ou une sollicitation d’achat ou de vente de valeurs mobilières. Nous avons pris les mesures nécessaires pour nous assurer de l’exactitude de ces commentaires au moment de leur publication, mais cette exactitude n’est pas garantie. Les conditions du marché peuvent changer et le gestionnaire de portefeuille n’accepte aucune responsabilité pour des décisions de placement prises par des individus et découlant de l’utilisation ou sur la foi des renseignements contenus dans ce document. Nous invitons les investisseurs à consulter un conseiller financier.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement le point de vue d’AGF, de ses filiales et de toute autre société apparentée ou affiliée, et ne peuvent être associées à aucun fonds ni à aucune stratégie d’investissement.
Les renseignements fournis par MSCI sont réservés à un usage interne. Ils ne peuvent être reproduits ni rediffusés sous quelque forme que ce soit et ne peuvent être utilisés pour créer des instruments, des produits ou des indices financiers. Aucun des renseignements fournis par MSCI n’est destiné à constituer un conseil d’investissement ni une recommandation en faveur (ou en défaveur) d’un type de décision d’investissement et ils ne peuvent être utilisés comme tels. Les données et les analyses antérieures ne doivent pas être considérées comme l’indication ou la garantie d’une analyse, d’une prévision ou d’une prédiction du rendement futur. Les renseignements sont fournis par MSCI « en l’état » et leur utilisateur assume l’entière responsabilité de l’usage qu’il en fait. MSCI, chacune de ses filiales ainsi que chaque personne participante ou liée à la collecte, à la saisie ou à l’élaboration de renseignements de MSCI (collectivement, les « Parties MSCI ») se dégagent expressément de toute responsabilité (notamment en termes d’originalité, d’exactitude, d’exhaustivité, de pertinence, de non-violation, de qualité marchande et d’adéquation à un usage particulier) en ce qui concerne ces renseignements. Sans préjudice de ce qui précède, une Partie MSCI ne peut en aucun cas être tenue responsable au titre de dommages directs, indirects, particuliers, collatéraux, punitifs, consécutifs (y compris, sans s’y limiter, la perte de bénéfices) ou de toute autre nature.
Placements AGF est un groupe de filiales en propriété exclusive de La Société de Gestion AGF Limitée, un émetteur assujetti au Canada. Les filiales faisant partie de Placements AGF sont Placements AGF Inc. (« PAGFI »), Gestion de placements Highstreet (« Highstreet »), AGF Investments America Inc. (« AGFA »), AGF Asset Management (Asia) Limited (« AGF AM Asia ») et AGF International Advisors Company Limited (« AGFIA »). AGFA est inscrite aux États-Unis à titre de conseiller. PAGFI et Highstreet sont inscrites à titre de gestionnaires de portefeuille auprès des commissions des valeurs mobilières canadiennes. AGFIA est réglementée par la Central Bank of Ireland et est inscrite auprès de l’Australian Securities & Investments Commission. AGF AM Asia est inscrite à Singapour à titre de gestionnaire de portefeuille. Les filiales faisant partie de Placements AGF gèrent plusieurs mandats comprenant des actions, des titres à revenu fixe et des éléments d’actif équilibrés.
Au sujet de La Société de Gestion AGF Limitée
Fondée en 1957, La Société de Gestion AGF Limitée (AGF) est une société indépendante de gestion de placements diversifiés à l’échelle mondiale. AGF apporte de la discipline en offrant l’excellence en matière de gestion de placements par l’entremise de ses volets axés sur des activités fondamentales et quantitatives de même que sur des actifs non traditionnels et des avoirs de particuliers bien nantis, afin de procurer une expérience exceptionnelle à la clientèle. La gamme de solutions d’investissement d’AGF s’étend à l’échelle mondiale à une vaste clientèle, depuis les conseillers financiers jusqu’aux investisseurs particuliers et aux investisseurs institutionnels comprenant des caisses de retraite, des programmes d’entreprise, des fonds souverains, des fonds de dotation et des fondations.
Pour de plus amples renseignements, veuillez visiter AGF.com.
Ⓒ 2021 La Société de Gestion AGF Limitée. Tous droits réservés.