
Le coronavirus, la Chine et le coup porté aux chaînes d’approvisionnement mondiales
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Le 2 mars 2020
La peur du coronavirus (COVID-19) s’est finalement abattue : les marchés boursiers mondiaux oscillent entre soulagement et crainte, au rythme des bonnes et des mauvaises nouvelles au sujet de l’épidémie, qui s’est propagée de la ville de Wuhan, en Chine, à la Corée du Sud (on y compte le plus grand nombre de cas hors de la Chine), à l’Europe (y compris en Italie, où plusieurs centaines de cas ont été confirmés), au Moyen-Orient, aux États-Unis, au Canada et à l’Amérique du Sud. En fait, à la fin du mois de février, le nombre de nouvelles infections augmentait plus vite en dehors de la Chine qu’à l’intérieur de ses frontières, preuve que les efforts intenses fournis par le pays afin de combattre le virus sur son territoire sont efficaces ou que l’épidémie de COVID-19 évolue rapidement en pandémie.
Il est impossible de savoir combien de personnes seront contaminées par le COVID-19, ni combien de temps – des semaines ou des mois – il faudra pour que la contagion s’atténue. Mais si le scénario des épidémies précédentes se répète, elle finira bel et bien par diminuer. Les investisseurs peuvent se permettre de commencer à regarder au-delà de la peur qui fait la une des médias et à se demander quelles seront les répercussions à long terme de cette maladie. Ils peuvent également d’ores et déjà essayer de cerner des occasions. Celles-ci émergeront, selon nous, en raison du bouleversement des chaînes d’approvisionnement mondiales tributaires de la Chine. Il est vrai que changement structurel s’était déjà amorcé, mais il pourrait gagner en vitesse et en pérennité sous l’effet du COVID-19.
En dépit des lourdes conséquences sur le plan humain, la réaction des États pourrait avoir des retombées économiques encore plus graves. Par rapport à la gestion de l’épidémie de SRAS entre 2002 et 2003, le gouvernement chinois a déployé d’importants efforts de restriction visant à contenir la propagation du virus : Wuhan et plus d’une douzaine d’autres villes sont en quarantaine, ce qui touche un total de quelque 50 millions d’habitants. Près de 800 millions de Chinois – soit environ la moitié de la population du pays – sont soumis à diverses formes de restrictions dans leurs déplacements, d’après la chaîne d’information CNN. Parallèlement, tous les échelons gouvernementaux ont mis en œuvre une série de réglementations, de barrages de transports, de congés prolongés et de fermetures obligatoires d’usines.
Ces restrictions ont entravé le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement. La direction d’une entreprise taïwanaise dont la quasi-totalité des revenus proviennent de Chine nous a confié que seulement 20 % de sa production se poursuivait. Selon le chef des finances, « les nouveaux contrôles dans plusieurs villes de Chine sont si nombreux, qu’il est impossible pour les entreprises et les employés de reprendre leurs activités normales ». Le dirigeant d’une autre entreprise à laquelle nous nous intéressons affirme que la réouverture de l’usine a nécessité l’obtention de sept autorisations gouvernementales. Dépendamment de l’efficacité avec laquelle le COVID-19 pourra être endigué, il faudra donc un temps considérable pour défaire les diverses restrictions touchant les chaînes d’approvisionnement en Chine, ce qui ralentira la reprise de la production.
Une autre difficulté concerne la main-d’œuvre : dans la majeure partie des villes de Chine, les fabricants dépendent grandement des travailleurs venus de zones rurales. Or, à Wuhan, où sont concentrées des activités de construction automobile, un nombre important (mais indéterminé) de travailleurs originaires d’autres régions sont rentrés dans leurs familles à l’occasion des festivités du nouvel an lunaire qui se déroulaient du 24 au 30 janvier, et ce, avant la mise en quarantaine le 23 janvier dernier. Les contrôles gouvernementaux et la peur de sortir ont limité les dépenses et de nombreuses usines ne fonctionnent pas à plein régime, en raison du manque à l’appel de travailleurs restés dans leurs villages d’origine ou confinés en quarantaine pendant deux semaines. Même une fois que l’épidémie de COVID-19 aura été résorbée, nous nous attendons à ce qu’une grande partie de ces travailleurs migrants ne reprennent le travail qu’au deuxième trimestre, ce qui, en attendant, entraîne des pénuries de main-d’œuvre et limite l’utilisation de la capacité manufacturière.
Cette situation doit donc alerter les entreprises dont la chaîne d’approvisionnement dépend grandement de la Chine : nombre d’entre elles, si elles ne l’ont pas déjà fait, seront contraintes de réévaluer leur exposition à la Chine et de se tourner vers d’autres marchés émergents. Naturellement, cette tendance a commencé bien avant l’épidémie de COVID-19, avec en cause la hausse des coûts liés à la main-d’œuvre et le vieillissement de la population active, de même que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. D’autres régions à faibles coûts en ont profité. Par exemple, le Vietnam, Taïwan, Singapour, l’Inde et la Malaisie ont tous gagné des parts d’exportation vers le marché américain entre décembre 2017 et la fin de 2019, tandis que la part de la Chine déclinait. Parallèlement, malgré une économie stagnante dans l’ensemble, le Mexique dispose désormais d’un excédent courant, grâce à l’augmentation des exportations non pétrolières en direction principalement des États-Unis.
Au vu de l’épidémie de COVID-19, les entreprises mondiales peuvent maintenant ajouter le risque d’une urgence sanitaire publique à la liste de raisons de diversifier leurs chaînes d’approvisionnement pour s’écarter de la Chine. Les investisseurs pourront en tirer de nouvelles occasions, particulièrement dans des pays qui essaient de tourner la situation à leur avantage ou dans des entreprises qui possèdent une longueur d’avance. L’Inde, par exemple, s’efforce d’attirer les fabricants en offrant une faible imposition.
Il est clair que la Chine occupe une plus grande place au sein de l’économie mondialisée depuis le phénomène du SRAS, entre 2002 et 2003. Cette épidémie, qui avait fait son apparition dans la province de Guangdong, avant de se propager à plus de vingt-quatre pays, constitue le précédent le plus manifeste à la crise que nous traversons aujourd’hui. Il y a 17 ans de cela, la Chine représentait moins de 4 % du PIB mondial. Aujourd’hui, elle compte pour plus de 15 %. Toutefois, aucune tendance ne dure éternellement : la prééminence de la Chine dans les chaînes d’approvisionnement mondiales s’effrite, et la propagation du COVID-19 accélérera ce démantèlement.
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