Le portefeuille 60/40 n’est pas chose du passé, mais pourrait devoir être repensé; en voici les raisons
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Le 31 août 2023
Pour paraphraser Mark Twain, les rumeurs de l’« oubli » du portefeuille 60/40 sont très exagérées. Depuis 70 ans, la pondération de 60 % en actions et de 40 % en obligations est une pierre angulaire de la théorie moderne du portefeuille, offrant un équilibre intéressant entre le risque et le rendement. Dans l’ensemble, la vigueur du modèle repose sur les actions, qui offrent de meilleurs rendements à long terme que les obligations, ces dernières assurant toutefois une marge de sécurité lorsque les actions se portent mal. Pourtant, 2022 a mis cette formule à rude épreuve, car un changement générationnel de l’inflation a provoqué une vive réaction des banques centrales. La hausse des taux a éclipsé les obligations, dont les rendements se situaient à des niveaux historiquement bas – un point de départ terrible pour un épisode d’inflation. Les actions ont quant à elles commencé l’année dernière en forte hausse, car les attentes à l’égard d’un rebond post-pandémique ont stimulé l’optimisme des investisseurs. Elles ont ensuite dû faire face à l’énorme obstacle du resserrement de la politique monétaire. Résultat : les actions et les obligations ont été malmenées en même temps.
Tant pis pour le modèle 60/40? Pas tout à fait. En fait, la situation du portefeuille traditionnel s’est grandement améliorée cette année. Les obligations sont devenues une catégorie d’actif plus concurrentielle après la révision massive des taux obligataires, et les rendements boursiers se sont améliorés, car les craintes de récession s’estompent et les bénéfices des sociétés demeurent résilients. Comme on pouvait s’y attendre, le double rebond a incité certains stratèges des marchés à parler d’une amélioration des perspectives pour le modèle 60/40, dont le potentiel de risque/rendement devrait retrouver des couleurs à mesure que l’inflation se stabilisera.
Même si nous convenons que la fin du modèle 60/40 a été annoncée précocement, notre point de vue est un peu plus nuancé. Nous reconnaissons les signes apparents d’un retour à la « normale »; toutefois, nous sommes loin d’être certains que les conditions favorables à un portefeuille 60/40 sont aussi simples. En effet, même si le modèle 60/40 ne mérite manifestement pas d’être relégué aux oubliettes, nous croyons qu’il pourrait profiter de quelques ajustements, compte tenu du moins de ce que l’avenir pourrait réserver aux actions et aux obligations.
Pour commencer, il y a la dure réalité de l’incertitude inflationniste. Certes, une désinflation a eu lieu l’année dernière, mais il semble toujours très difficile d’atteindre la cible de 2 % fixée par les banques centrales. Il est même possible que la tendance déflationniste tire à sa fin si l’on tient compte, d’une part, de l’érosion des effets de base sur 12 mois et, d’autre part, du potentiel rebond des prix de l’énergie et de l’augmentation des salaires. (Les règlements récents avec des travailleurs syndiqués partout dans le monde donnent à penser que ce sera le cas.) Les attentes inflationnistes sont de nouveau à la hausse, ce qui constitue un obstacle pour les obligations, même si les taux sont aujourd’hui beaucoup plus raisonnables qu’il y a deux ans.
Par conséquent, nous croyons que les obligations ne sont potentiellement pas capables de contrebalancer le rendement des actions aussi bien qu’elles le faisaient auparavant en cas de ralentissement économique. Il y a deux raisons à cela. Premièrement, si l’inflation reste stable, les banques centrales pourraient ne pas avoir la possibilité de réduire les taux autant qu’elles le feraient normalement en cas de repli ou de récession. Deuxièmement, la courbe des taux obligataires est déjà beaucoup plus inversée que la normale, en partie parce que le marché a trop anticipé un ralentissement et les réductions de taux qui en ont découlé. En d’autres mots, le marché a peut-être déjà pris en compte un ralentissement important accompagné de réductions de taux par les banques centrales, ce qui limite le potentiel de hausse des obligations.
L’inflation plus stable que prévu n’est pas avantageuse non plus pour les actions. Les actions offrent une meilleure protection contre l’inflation que les obligations en raison de leur corrélation avec la croissance du PIB nominal (c’est-à-dire que les modèles d’affaires tiennent compte en partie de l’incidence d’une hausse de l’inflation au moyen de hausses de prix), mais elles ont toujours tendance à produire des rendements médiocres pendant les périodes d’inflation. De plus, les valorisations boursières se situent dans la limite supérieure de leur fourchette historique, ce qui donne à penser que les prévisions de rendement à long terme pourraient être supérieures à ce qu’elles devraient être si l’inflation se maintenait.
En bref, nous pourrions constater que l’inflation persistante mine encore une fois l’efficacité du paradigme 60/40 et que les actions et les obligations – qui se compensent souvent les unes les autres avec des rendements qui ne sont pas parfaitement corrélés – se replient en parallèle.
Quelle est la solution? On pourrait envisager, à titre d’exemple, une modification de la répartition 60/40 qui offrirait une exposition aux catégories d’actif assurant une protection potentielle contre l’inflation et une diversification accrue. Cette solution n’est toutefois pas dénuée de risques supplémentaires ou particuliers pour le portefeuille.
Par exemple, un investisseur pourrait mettre en œuvre un cadre de répartition de l’actif 50/30/10/10 :
- À 50 %, les actions demeurent au cœur du modèle de portefeuille. Elles sont les plus fortement pondérées, car elles ont historiquement produit les meilleurs rendements à long terme.
- À 30 %, les obligations demeurent une composante importante du portefeuille, car elles offrent des rendements concurrentiels (actuellement dans la fourchette de 5 % et plus) tout en présentant un potentiel de protection et de diversification en cas de récession, même dans une moindre mesure que lors des replis précédents.
- Les actifs réels comprennent les produits de base, les infrastructures et l’immobilier. Dans le passé, les actifs réels offraient une protection contre l’inflation et affichaient une faible corrélation avec les actifs financiers comme les actions et les obligations. Ils sont également bien placés pour tirer parti des tendances à long terme liées à la reconstruction, à la relocalisation et à la décentralisation des infrastructures ainsi qu’à la transition vers les énergies renouvelables. Bien que les actifs réels soient exposés à des risques qui dépendent de plusieurs facteurs, dont le cycle économique, la politique monétaire, la situation géopolitique et les bénéfices des sociétés, une part de 10 % pourrait accroître sensiblement la croissance et la diversification sans exposer les investisseurs à une volatilité importante.
- De même, une pondération de 10 % dans les placements non traditionnels, comme les titres de créance privés et le capital-investissement, les prêts de premier rang et les produits dérivés, peut offrir des avantages qui compensent certains des risques associés à ces catégories d’actif, notamment le manque de liquidité. Plus particulièrement, ces catégories offrent un potentiel de hausse et une diversification accrue de la composition du portefeuille.
Veuillez noter qu’il ne s’agit pas d’une recommandation, mais d’un cadre conceptuel. Chaque investisseur doit déterminer la répartition de l’actif appropriée en fonction de sa situation, de ses objectifs et de sa tolérance au risque.
De plus, cela ne veut pas dire que le portefeuille 60/40 soit inapproprié. Il présente toujours les avantages de la simplicité et de la longévité et demeure une solide approche à long terme pour la construction de portefeuille. Toutefois, les événements des dernières années ont montré que les conditions financières et économiques peuvent changer rapidement, et ce qui a fonctionné hier pour la construction du portefeuille ne fonctionnera pas nécessairement aussi bien aujourd’hui et demain. Compte tenu de l’ampleur des fluctuations, il est possible de faire preuve de créativité et de souplesse dans la construction de portefeuille, surtout pour atténuer davantage le risque et améliorer la diversification. Dans le contexte d’incertitude actuel, nous pensons qu’il est particulièrement intéressant d’envisager un cadre de répartition de l’actif diversifié.
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