
Le retour du marché obligataire baissier
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Le 4 novembre 2020
La baisse tant anticipée et maintes fois prophétisée du marché obligataire se concrétiserait-elle enfin? Comme on peut s’en douter, il s’agit d’une question lourde de conséquences. Après tout, les prévisionnistes spécialisés dans les titres à revenu fixe sont souvent prompts à déclarer un marché baissier; or, on sait à quel point il est difficile de prédire les changements cycliques, mêmes lorsque les conditions sont réunies. C’est tout particulièrement le cas aujourd’hui, en raison du nombre de facteurs qui entrent en ligne de compte. Aux États-Unis (où se trouve le marché obligataire le plus important du monde, avec notamment quelque 18 000 milliards $US détenus en bons du Trésor, selon des données de Bloomberg), la réponse tardive à la pandémie de COVID-19, le retour des restrictions quant à la liberté de déplacement, de même que la possible impasse du gouvernement, voire les tensions sociales susceptibles d’éclater à la suite des élections, pourraient bien faire perdurer la suppression des rendements obligataires, du moins à court terme.
À notre avis, toutefois, les investisseurs devraient d’ores et déjà regarder au-delà de cette incertitude à court terme. En effet, de plus en plus d’éléments laissent présager un marché obligataire baissier à moyen terme. Cela mettrait bien évidemment un terme à la reprise qui a débuté à la fin de l’année 2018, en plus de modifier radicalement l’environnement marqué, depuis l’éclatement de la pandémie de COVID-19, par la faiblesse catastrophique des taux de rendement (des données de Bloomberg révèlent qu’à la fin du mois d’octobre, le taux de rendement des bons du Trésor américain à 10 ans avait chuté de plus de 100 points par rapport à l’année dernière et que celui des titres à deux ans avait perdu près de 150 points de base). Selon nous, la hausse des obligations, après avoir été freinée par la crise sanitaire, pourrait vraisemblablement s’essouffler, au point de céder la place, au cours des prochains mois, à un nouveau marché baissier cyclique.
Pourquoi un tel raisonnement? Celui-ci tient à trois facteurs : premièrement, nous pensons que le cycle économique actuel a désormais entamé une reprise, ce qui correspond historiquement à une période baissière pour les obligations. Deuxièmement, les prévisions relatives à l’inflation augmentent à chaque nouveau cycle, ce qui devrait faire grimper les rendements obligataires. Enfin, nous pensons que la pandémie commencera à se résorber en 2021, lorsqu’un vaccin efficace aura été mis au point et déployé ou que l’immunité collective aura été atteinte (ce qui pourrait alourdir considérablement le bilan humain).
Examinons de plus près les preuves qui corroborent le premier volet de notre hypothèse selon laquelle l’économie mondiale en est aux prémices d’une reprise : il faut regarder au-delà du rebond spectaculaire de la croissance du PIB américain au troisième trimestre. Même s’il s’agit d’un nouveau record en matière de croissance trimestrielle depuis l’après-guerre, ces chiffres sont tempérés par le déclin de plus de 31 % (en données annualisées) qu’a connu le PIB au deuxième trimestre, selon des données de Bloomberg. L’économie américaine (et mondiale) n’est donc pas encore tirée d’affaires. Toutefois, certains des indicateurs prévisionnels laissent penser qu’elle est en bonne voie. Les jauges de l’activité économique réelle et la comparaison entre les données effectives et les prévisions, telles que l’indice de surprise économique de Citigroup, montrent des tendances positives. L’indice de surprise économique a d’ailleurs atteint un nouveau sommet en août dernier. Parallèlement, le chômage diminue. Quant aux indices ISM manufacturier et des services, lesquels mesurent l’activité en fonction des déclarations des directeurs d’achat, ils ont plus que renoué avec les niveaux enregistrés avant l’avènement de la pandémie qu’ils surpassent, ce qui est synonyme d’un solide essor. Sur le plan historique, une brusque envolée des indices ISM a toujours précédé une hausse des rendements obligataires. Si cela se répète cette fois-ci encore, les investisseurs qui annoncent une déflation risquent d’être déçus.
Taux de changement : L’indice ISM domine en matière de rendements obligataires

Si l’on s’en tient à l’histoire, nous pouvons nous attendre à ce que la hausse des rendements obligataires s’accompagne d’un début de reprise. En fait, l’analyse des trois dernières récessions révèle que les rendements obligataires ont progressé avant que l’économie n’entame sa reprise. Si nous assistons réellement au début d’une remontée, la hausse des rendements obligataires est alors à la traîne. Peut-être cela s’explique-t-il par l’intention univoque de la Réserve fédérale américaine (la Fed) de maintenir ses taux d’intérêt à un faible niveau, ou simplement par le fait que la crise a été si soudaine, et le risque d’une double plongée en récession (du fait des restrictions encore en cours) suffisamment présent, que la réaction attendue du marché obligataire se fait aujourd’hui attendre. Dans tous les cas, même si la remontée des rendements des obligations accuse un certain retard, nous pensons qu’elle aura lieu malgré tout.
Rendement des bons du Trésor américain sur 10 ans, de 1987 à aujourd’hui

Nous voyons émerger des facteurs propices à l’inflation, laquelle est plus ou moins au point mort depuis des années : le prix des produits de base augmente, selon des données de Bloomberg, surtout celui du cuivre, qui frôle aujourd’hui des niveaux inédits depuis 2018, l’année à laquelle remonte le dernier cycle de baisse sur le marché des obligations. Parallèlement, les prix de l’immobilier aux États-Unis ont grimpé cette année, en dépit de la crise et des mesures en faveur de l’accès à des logements abordables, ce qui montre la vigueur potentielle qu’il reste à ce marché. Les consommateurs, qui représentent les deux tiers de l’économie américaine et qui ont été forcés de s’abstenir, feront également croître sensiblement la demande et exerceront un pouvoir d’achat important si l’économie venait à se redresser. Les taux d’épargne personnelle se sont accrus pendant la pandémie de COVID-19, pour atteindre des sommets qui n’ont pas été observés depuis plusieurs décennies, et les taux de service des dettes sont tombés à un creux générationnel, d’après une recherche menée par le cabinet Ned Davis. Par ailleurs, les stocks ont chuté en raison des perturbations constatées sur la chaîne d’approvisionnement, mais ils devraient rebondir l’année prochaine, à mesure que les entreprises se réapprovisionnent. Ajoutons à cela les mesures phénoménales de relance, tant sur le plan budgétaire que monétaire : il est difficile de ne pas envisager un retour de l’inflation – et, par conséquent, une hausse des rendements obligataires – au cours des prochains mois.
Les investisseurs qui détiennent des titres à revenu fixe devraient-ils s’inquiéter? Nous aborderons cette question en détail dans un prochain volet de cette série, puis, dans un troisième temps, nous ferons le tour de certaines stratégies prévues pour permettre de manœuvrer en cas de marché obligataire baissier cyclique. Pour l’instant, rappelons qu’un marché obligataire baissier cyclique ne sonne pas (nécessairement) la fin de la hausse à long terme du marché obligataire, laquelle perdure depuis 38 années, en grande partie grâce aux changements démographiques et à l’augmentation considérable de la dette. La tendance haussière à long terme a été traversée par six marchés baissiers cycliques au cours des trois dernières décennies, en ce qui concerne les obligations. Nous pensons que cela pourrait de nouveau être le cas pour le début de cette nouvelle décennie.
David Stonehouse est vice-président principal et chef des investissements nord-américains et spécialisés à Placements AGF Inc. Il contribue régulièrement à Perspectives AGF.
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