
Les décideurs et le coronavirus : la nécessité de mettre de l’avant d’autres mesures de relance
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Le 30 mars 2020
Dites-moi que ce n’est pas la Grande Récession qui se répète.
C’est ce que de nombreux investisseurs n’ont cessé de répéter au cours du dernier mois, alors que la pandémie de coronavirus frappait les marchés financiers et ébranlait l’économie réelle. Et cette perspective est compréhensible.
Après tout, le dernier repli économique était attribuable à une défaillance systémique du système financier mondial, et non à un virus redoutable dont nous viendrons bien à bout tôt ou tard. Par ailleurs, les banques sont aujourd’hui bien mieux capitalisées qu’elles ne l’étaient au milieu des années 2000 et, par conséquent, mieux outillées pour résister à un repli et maintenir leur rôle économique essentiel. Le dénouement de la débâcle de 2007-2009 s’est étalé sur plusieurs des années; cette fois-ci, la reprise économique pourrait se mesurer en mois, et elle pourrait être marquée et rapide plutôt que faible et lente.
Pourtant, si ce point de vue optimiste donne à penser que les décideurs n’ont pas à se préoccuper autant de la crise du coronavirus, les investisseurs devraient y penser à deux fois. Entre prioriser la santé des citoyens et maintenir l’économie à flot, les gouvernements se sont de plus en plus souvent rangés derrière la première des deux options. La recommandation ou l’imposition de mesures d’isolement a entraîné le blocage de secteurs entiers de l’économie et donné lieu à un choc presque instantané, qui se produit plus rapidement et de façon plus draconienne que tout autre événement économique de notre vivant, y compris la Grande Récession. La croissance du PIB au deuxième trimestre pourrait être la plus faible jamais enregistrée, et les prévisions font de plus en plus état d’un recul qui dépasserait la barre des 10 %.
Les législateurs ne sont pas les seuls à réagir; les responsables de la politique monétaire aussi, et dans de nombreux cas (par exemple, aux États-Unis), ont réagi plus rapidement et avec un plus grand sentiment d’urgence que les gouvernements. Ceux qui, contrairement à l’Europe et au Japon, pouvaient encore réduire les taux d’intérêt – comme la Banque du Canada, la Réserve fédérale américaine, la Banque d’Australie et la Banque d’Angleterre – ont rapidement réduit leurs taux directeurs à zéro, ou presque. Selon les sceptiques, il est peu probable que de telles mesures contribuent à combattre le virus ou à stimuler l’activité économique. Pourtant, les réductions de taux font partie intégrante de la stratégie d’ensemble des banques centrales visant à injecter plus de liquidités dans le système économique. Il s’agit d’une première étape nécessaire pour aider les nombreuses sociétés qui auront désespérément besoin d’un accès au crédit au cours des semaines et des mois à venir.
Une étape nécessaire, mais non suffisante. Prises isolément, les réductions de taux ne sont de toute évidence pas suffisantes. À mesure que les craintes du marché se sont intensifiées, la vente sans discernement d’actifs risqués s’est poursuivie, exacerbée par les ventes forcées d’institutions surendettées ayant dû composer avec d’importants rachats. Conscientes de l’engorgement de l’activité financière, les banques centrales ont repris le flambeau en ramenant sur la table certains programmes de prêts d’urgence datant de la crise financière (par exemple, le programme TALF, Term Asset-backed Loan Facility, auquel la Réserve fédérale américaine a de nouveau fait appel dernièrement, améliore le niveau de liquidité sur les marchés du crédit). La Banque du Canada a récemment réaffirmé son pouvoir d’achat des titres de créance de municipalités et de sociétés, ce qui laisse supposer qu’elle pourrait adopter un programme d’assouplissement quantitatif pour la première fois de son histoire. Aux États-Unis, la Fed, qui avait déjà redémarré son programme d’assouplissement quantitatif au début de l’année dernière, a intensifié ses efforts de création de liquidité au moyen de mécanismes qui ciblent les achats non seulement d’obligations gouvernementales, mais aussi de titres de créance de sociétés et de titres commerciaux adossés à des créances hypothécaires, et ce, pour la toute première fois. Elle a également promis des prêts à des sociétés, a mis en place des mécanismes de crédit d’urgence pour les consommateurs et les PME, et accordera des crédits spéciaux aux grands employeurs, ce qui pourrait totaliser jusqu’à 4 mille milliards de dollars américains.
Ces programmes de politique monétaire sont les bienvenus, car ils contribueront à contrer les ventes généralisées sur les marchés. Pourtant, il reste encore beaucoup à faire. Des secteurs entiers de l’économie (comme le tourisme, le voyage et l’hôtellerie) sont fermés tour à tour; il leur faudra des plans de sauvetage. De plus, une bonne partie des petites entreprises et des travailleurs ne disposent que de quelques semaines de liquidités et ne pourront résister encore bien longtemps à cette fermeture. Pour eux, il ne s’agit pas d’une question de liquidité, mais de solvabilité. Pour résoudre ces problèmes, la politique monétaire ne peut suffire à elle seule. Des mesures de relance budgétaire extraordinaires seront nécessaires sous la forme de prêts directs aux petites entreprises et de chèques aux particuliers.
De nombreux pays ont déjà adopté de telles mesures, dans certains cas d’une envergure sans précédent (plus de 10 % du PIB), notamment l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada et même l’Allemagne habituellement austère, pour n’en nommer que quelques-uns. Plus récemment, l’attention s’est tournée vers les États-Unis, où le Congrès a récemment approuvé un programme budgétaire d’environ 2 mille milliards de dollars américains. Et la facture finale pourrait être encore plus robuste.
Ces mesures seront-elles suffisantes? En fin de compte, oui, car les gouvernements ont démontré qu’ils ont un pouvoir d’emprunt presque illimité dans le monde d’après-crise, surtout lorsqu’ils sont soutenus par les mesures d’assouplissement quantitatif des banques centrales. De plus, nous croyons que la Réserve fédérale américaine, entre autres, mettra probablement en œuvre des mesures de contrôle de la courbe des taux, peut-être comme celles adoptées avant la crise par la Banque du Japon, afin d’empêcher que les taux d’intérêt à long terme n’augmentent au point où les coûts d’emprunt viendraient entraver le vaste programme de sauvetage.
Toutefois, la question est maintenant de savoir si ces mesures seront mises en œuvre assez rapidement pour éviter une catastrophe économique pour de nombreux ménages. Il est très encourageant de constater que de tels programmes ont été adoptés, mais il faudra des semaines avant qu’ils soient mis en œuvre, et le temps presse. Les dommages économiques sont déjà apparents; seule une intervention rapide et musclée empêchera un dénouement encore plus grave.
Nous savons déjà jusqu’où les décideurs sont prêts à aller pour relever ce défi et il ne serait pas surprenant de les voir aller encore plus loin. Même s’il est vrai que le monde se relèvera probablement plus rapidement de la crise du coronavirus qu’il ne l’a fait lors de la crise financière de la dernière décennie, une chose est de plus en plus claire : en ce qui a trait à la rapidité et à l’ampleur des interventions budgétaires et monétaires si nécessaires, cette pandémie fait paraître les interventions politiques de la Grande Récession modestes en comparaison.
David Stonehouse, vice-président principal et chef des investissements nord-américains et spécialisés, Placements AGF Inc.
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