Les États-Unis pourraient-ils réellement manquer à leurs obligations?
Auteur : Greg Valliere
Le 25 mai 2023
Dans la première partie d’une publication en deux volets, Greg Valliere, stratège politique en chef, spécialiste des États-Unis, à AGF, traite des mesures politiques à prendre pour conclure une entente sur la dette aux États-Unis.
Un scénario autrefois impensable – le fait que les États-Unis dépassent leur pouvoir budgétaire et manquent à leurs obligations – ne peut être écarté, car le Congrès américain fait face à une catastrophe fiscale sans précédent.
Dans la première partie de ce rapport spécial, nous nous pencherons sur la situation politique et les divers scénarios qui sont en jeu à Washington, puis nous examinerons les répercussions éventuelles sur les marchés en cas de défaut de paiement ou de décote de la dette.
Le climat politique : Il va sans dire que le climat politique aux États-Unis est dysfonctionnel; les démocrates ont une majorité d’un siège au Sénat américain et les républicains ont un avantage de quatre sièges à la Chambre des représentants des États-Unis. Cette situation fait en sorte qu’il sera pratiquement impossible d’accomplir quoi que ce soit cette année.
Après plusieurs années d’énormes hausses de dépenses, les républicains exigent des restrictions énergiques. Ils signalent un déficit total de plus de 31 000 milliards de dollars américains, et les prévisionnistes prévoient une hausse annuelle de plus de 1 000 milliards de dollars américains pour la prochaine décennie.
Les militants républicains croient que la seule façon de réduire les déficits est de refuser d’approuver d’autres hausses du plafond de la dette. Une loi largement décriée exige que le Congrès relève le plafond de la dette chaque fois qu’il est touché; les États-Unis n’ont jamais connu de défaut de paiement, mais l’a presque fait en 2011, s’en est suivie une décote de la dette par l’agence de notation Standard & Poor’s.
Les deux partis se sont montrés laxistes et réticents à relever le plafond de la dette, mais les militants à la Chambre sont déterminés à rejeter une hausse du plafond de la dette qui ne s’accompagnera pas d’une réduction des dépenses. Créé en 1917, le plafond législatif doit être relevé par un vote majoritaire au Sénat et à la Chambre des représentants.
Ce vote ne prévoit pas de dépenses supplémentaires; il ne fait qu’augmenter la limite que le gouvernement peut emprunter pour rembourser les engagements déjà convenus par le Congrès.
Le plafond de la dette a été atteint le 19 janvier de cette année – depuis, la secrétaire du Trésor américain Janet Yellen a eu recours à des « mesures extraordinaires » pour éviter un défaut de paiement. Ni elle ni aucun spécialiste du budget ne savent quand la « date X » – lorsque les États-Unis seraient en défaut de paiement – sera atteinte. Mme Yellen pense que cela pourrait se produire vers le 1er juin, mais le Trésor pourrait faire du surplace jusqu’à la fin de juin.
Les options : tout d’abord, il n’y aura pas de hausses d’impôt qui pourraient faire augmenter les revenus et retarder le jour du jugement, lorsqu’un défaut de paiement se produirait si les États-Unis ne payaient pas les porteurs d’obligations. Les hausses d’impôt sont un anathème pour les républicains, qui feront face à une autre bataille fiscale dans deux ans, lorsque bon nombre des réductions d’impôt de Trump arriveront à échéance.
L’accent sera donc entièrement mis sur l’obtention de réductions de dépenses suffisantes pour satisfaire les républicains de la Chambre des représentants, qui ont procédé à d’importantes compressions il y a quelques semaines. Étonnamment, le président des États-Unis, M. Biden, a exprimé sa volonté d’envisager des réductions de dépenses, comme des restrictions aux programmes d’aide sociale fédéraux pour les personnes qui ne veulent pas travailler, l’annulation des mesures d’assouplissement relatives à la COVID-19 que les États n’ont pas dépensée et le plafonnement des hausses de dépenses, qui seront un élément clé de toute entente.
Que se passera-t-il si le Congrès ne parvient pas à s’entendre sur une réduction du déficit en juin? Le 14e amendement à la Constitution traite principalement des protections égales accordées aux citoyens en vertu de la loi. Toutefois, une phrase obscure se lit comme suit : « La validité de la dette publique des États-Unis, autorisée par la loi, y compris les dettes contractées pour le paiement des pensions et les primes de services dans la répression de l’insurrection ou de la rébellion, ne sera pas remise en question. »
Mme Yellen et d’autres dirigeants ont fait valoir que le recours au 14e amendement est un stratagème qui ferait l’objet d’une vive résistance juridique de la part des républicains, jusqu’à la Cour suprême des États-Unis, qui pourrait ne pas être encline à appuyer l’amendement. De même, peu de gens sont en faveur de frapper une pièce de 1 000 milliards de dollars américains et de dépenser le produit pour empêcher le gouvernement de manquer à ses obligations.
Il y a une autre variable inconnue : le Trésor pourrait vendre une partie de ses énormes fonds en fiducie (y compris son fonds en fiducie de sécurité sociale) et demander à divers organismes gouvernementaux de ralentir les paiements aux entrepreneurs.
Cela pourrait fournir un financement tout juste suffisant pour permettre au gouvernement d’atteindre le 15 juin sans défaut. Cette situation est cruciale, car d’importants paiements d’impôt sur les sociétés sont exigibles à cette date et si le Trésor respecte ses obligations, il pourrait profiter de plusieurs semaines sans crise.
Une réaction surprenante des marchés : nous pensions que les marchés financiers seraient le catalyseur de la conclusion d’une entente, mais la réaction – surtout sur le marché boursier – a été modérée. Nous croyons toujours que la menace qui pèse sur les marchés sera grave si les progrès réalisés en vue d’une entente finissent par stagner au cours des prochains jours.
Enfin, qu’arrive-t-il en cas de défaut? La Réserve fédérale américaine pourrait intervenir, même si le président Jérôme Powell a qualifié cette option de « détestable ». Toutefois, la perspective d’une crise financière mondiale – avec une récession imminente – pourrait inciter Powell à prendre des mesures de sauvetage à contrecœur.
D’un point de vue politique, le public américain serait furieux s’il y avait une chance plausible que les chèques de sécurité sociale ne soient pas envoyés par la poste et si la plupart des 4,2 millions de fonctionnaires fédéraux américains étaient mis à pied. Plus de 100 millions d’Américains dépendent de la sécurité sociale et de Medicare.
La solution la plus simple : ce serait, bien sûr, l’approche préférée de Washington en cas de crise – pelleter le tout vers l’avant. S’il n’y a pas d’entente d’ici le début de juin et qu’une défaillance semble probable, nous pensons que le Congrès adoptera une prolongation – peut-être jusqu’au congé du 4 juillet ou jusqu’à l’ajournement du mois d’août – ou peut-être jusqu’au début du nouvel exercice, le 1er octobre.
À tout le moins, il faudra peut-être attendre plusieurs jours avant de régler tous les détails d’un plan budgétaire, et de nombreux conservateurs et libéraux s’opposeront catégoriquement à certaines dispositions. Une prolongation pourrait donc être la meilleure solution. Par conséquent, ce problème pourrait persister pendant un certain temps, au grand désarroi des marchés – sans défaut, mais sans résolution – pendant une bonne partie de l’été.
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