
Les prix élevés de l’énergie sont-ils installés pour de bon?
Auteur :
Le 17 mars 2022
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a provoqué une flambée des prix des produits de base partout dans le monde, ce qui a fait grimper l’inflation et alimenté les craintes d’un ralentissement de la croissance économique. Malgré un recul au cours des derniers jours, les prix de l’énergie ont fortement augmenté, continuant sur la lancée des hausses de l’an dernier dans un marché fondamentalement serré, en raison des investissements insuffisants sur le plan de l’offre et d’une augmentation de la demande attribuable à la levée des restrictions liées à la COVID-19, partout dans le monde. Un cessez-le-feu entraînerait probablement un recul des prix du pétrole et du gaz à court terme, mais la dynamique mondiale s’est manifestement tournée vers la sécurité énergétique dans le but de s’éloigner de la Russie, au profit d’autres exportateurs, ce qui limite sans doute la possibilité d’une importante correction à long terme.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la Russie est le troisième producteur de pétrole et le deuxième producteur de gaz naturel en importance dans le monde, et l’Union européenne (UE) en dépend pour plus de 30 % de ses importations de pétrole et 40 % de ses importations de gaz naturel. Depuis l’invasion de l’Ukraine, les dirigeants de l’UE cherchent à réduire la dépendance à l’égard de l’énergie russe, mais aucune solution simple n’est envisageable à court terme.
Selon l’AIE, la Russie est également le plus grand exportateur de pétrole brut et de produits pétroliers à l’échelle mondiale, exportant de 7,5 à 8,0 millions de barils par jour (Mb/j), dont 60 % sont acheminés vers l’UE et 20 % vers la Chine. Le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada ont récemment interdit les importations de pétrole russe. Bien que l’UE ne soit pas en mesure de leur emboîter le pas à court terme, elle a annoncé son intention d’éliminer progressivement les importations de pétrole russe d’ici 2030.
De plus, les entreprises de raffinage, les expéditeurs et les négociants se sont imposé des restrictions, refusant d’acheter du pétrole russe en raison de préoccupations liées à leur image, aux sanctions potentielles, au risque de contrepartie et à la hausse des frais d’expédition, de même que des coûts d’assurance. Selon les rapports, de 3 à 4 Mb/j de pétrole russe est difficile à vendre, malgré des réductions records allant jusqu’à 30 $ US le baril, offert sur les cargaisons, ce qui entraîne parallèlement une hausse des prix d’autres types de pétrole à l’échelle mondiale, comme le Brent et le West Texas Intermediate (WTI).
Toute réduction des exportations de pétrole russe ne peut être facilement contrebalancée à court terme. L’OPEP devrait disposer d’une capacité excédentaire de 2,5 à 3,0 Mb/j, mais elle est réticente à accroître sa production plus tôt que prévu, de peur de mettre en péril l’accord de l’OPEP+ avec la Russie. Un accord sur le nucléaire iranien avec les pays occidentaux semble imminent, mais il faudrait des mois pour que des barils supplémentaires atteignent le marché après la mise en place des mesures de vérification nécessaires et le retrait des sanctions. Par ailleurs, il est peu probable que la production de pétrole et de gaz de schiste aux États-Unis augmente rapidement, compte tenu des contraintes liées à la main-d’œuvre et à la chaîne d’approvisionnement, de même que de la gestion rigoureuse du capital par les producteurs. Enfin, toute augmentation substantielle de l’offre en provenance du Venezuela nécessiterait d’importants investissements en capital et une restructuration de la dette.
Les prix du pétrole doivent donc augmenter pour entraîner un effondrement de la demande afin d’équilibrer le marché, comme en témoignent certains distributeurs européens qui limitent maintenant l’offre de diesel et de mazout de chauffage. La flambée des prix de l’essence et du carburéacteur devrait entraîner un essoufflement de la consommation dans certains pays. Or, jusqu’à présent, ce ralentissement a été atténué par la reprise liée à la demande refoulée, attribuable à la levée des restrictions imposées par la COVID-19.
Compte tenu de son rôle crucial dans le chauffage, la production d’électricité et la production industrielle, le gaz naturel pose un problème plus important encore, étant donné que plus de 40 % de la consommation de gaz de l’UE dépend des importations de Russie. Le gaz naturel est plus difficile à transporter par voie maritime, car il faut le liquéfier avant de l’expédier dans des navires-citernes. Comme la capacité d’exportation excédentaire de gaz naturel liquéfié (GNL) est limitée à l’échelle mondiale, les importations de gaz par pipeline en provenance de la Russie ne pourront pas être remplacées de sitôt. Selon Bloomberg, aucune perturbation physique ne s’est produite jusqu’à présent, mais la crainte d’une interruption des flux – en raison de sanctions, de représailles de la Russie ou de dommages aux pipelines en Ukraine – a fait bondir les prix du gaz de plus de 300 % au sein de l’UE, au cours des jours qui ont suivi l’invasion. Les prix ont diminué depuis, mais sont toujours en hausse de plus de 60 % par rapport à la mi-février, ce qui représente 7,5 fois le prix du gaz naturel aux États-Unis, soit 220 $ US le baril en équivalent pétrole.
À l’instar du pétrole, les prix élevés du gaz naturel entraînent un effondrement de la demande, comme en témoignent certaines sociétés industrielles qui réduisent leur production dans l’UE. La demande de chauffage résidentiel et d’électricité est beaucoup moins souple (surtout en hiver) et un soutien gouvernemental aux ménages a été mis en place dans de nombreux pays. Plus tôt ce mois-ci, la Commission européenne a présenté des mesures visant à réduire la dépendance au gaz russe de 65 % d’ici la fin de l’année 2022 et à la remplacer entièrement d’ici 2030. Les stratégies comprennent la diversification des importations de GNL et de gaz par pipeline en provenance d’autres pays, le remplissage des réserves et l’expansion du stockage de gaz, des mesures d’efficacité énergétique, ainsi que l’accélération de la croissance des énergies renouvelables. Or, toutes ces stratégies prennent du temps à mettre en œuvre. La croissance de la production intérieure de gaz et le report des fermetures de centrales nucléaires et de centrales au charbon ont également fait l’objet de discussions, mais demeurent incertains pour l’instant.
Cela dit, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a incité de nombreux pays à placer la sécurité énergétique au cœur de leurs préoccupations, ce qui a probablement promu l’adoption d’une approche englobant toutes les mesures susmentionnées, afin d’accroître et de diversifier l’offre de pétrole, de gaz, d’énergies renouvelables et peut-être même d’énergie nucléaire. Il semble probable que l’énergie en provenance de Russie soit acheminée vers l’est en Chine et en Inde à long terme, ce qui réorienterait certaines exportations du Moyen-Orient et des États-Unis vers l’Europe.
En définitive, la résolution de la crise en Ukraine, la conclusion d’un accord sur le nucléaire iranien et l’intensification des mesures de confinement liées à la COVID-19 en Chine sont des facteurs susceptibles de faire chuter les prix de l’énergie à court terme, mais à long terme, il semble évident que les prix ont remonté en raison du conflit. Il est peu probable que les sanctions contre la Russie soient levées rapidement, et de nombreuses sociétés occidentales pourraient ne jamais rebâtir les ponts avec le pays. Ce manque de capitaux, de technologie et d’équipement pourrait nuire à la capacité de la Russie à maintenir et à accroître sa production d’énergie, ce qui signifie qu’une partie de son offre pourrait être retirée du marché pour de bon.
Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de l’auteur et ne représentent pas nécessairement les opinions d’AGF, de ses filiales ou de ses sociétés affiliées, et ne peuvent être associés à aucun fonds ni à aucune stratégie d’investissement.
Les commentaires que renferme le présent document sont fournis à titre de renseignements d’ordre général et sont fondés sur de l’information disponible au 14 mars 2022. Ils ne devraient pas être considérés comme des conseils exhaustifs en matière de placement applicables à la situation d’une personne en particulier. Nous avons pris les mesures nécessaires pour nous assurer de l’exactitude de ces commentaires au moment de leur publication, mais cette exactitude n’est pas garantie. Les conditions du marché peuvent changer et Placements AGF n’accepte aucune responsabilité pour des décisions de placement prises par des individus et découlant de l’utilisation ou sur la foi des renseignements contenus dans ce document.
Les références concernant des titres spécifiques sont présentées uniquement pour illustrer l’application de notre philosophie de placement et ne représentent pas tous les titres achetés, vendus ou recommandés pour le portefeuille. Il ne faut pas supposer que les placements dans les titres mentionnés ont été ou seront rentables et ces références ne doivent pas être considérées comme des recommandations de Placements AGF Inc.
« Bloomberg® » est une marque de service de Bloomberg Finance L.P. et de ses sociétés affiliées, y compris l’administrateur de l’indice Bloomberg Index Services Limited (« BISL ») (collectivement « Bloomberg »). Ces marques ont été concédées sous licence aux fins de certaines utilisations par La Société de Gestion AGF Limitée et ses filiales. Bloomberg n’est pas affiliée à La Société de Gestion AGF Limitée ou à ses filiales et elle ne donne ni approbation, ni appui, ni examen, ni recommandation à l’égard d’aucun produit de La Société de Gestion AGF Limitée ou de ses filiales. Bloomberg ne garantit pas la pertinence, l’exactitude ou l’exhaustivité des données ou des renseignements se rapportant à tout produit de La Société de Gestion AGF Limitée ou de ses filiales.
Le présent document est destiné aux conseillers et vise à les aider à déterminer quels investissements conviennent le mieux aux investisseurs. Tout investisseur devrait consulter son conseiller pour déterminer quels investissements conviennent le mieux selon son portefeuille de placements et ses objectifs personnels à cet égard.
Placements AGF est un groupe de filiales en propriété exclusive de La Société de Gestion AGF Limitée, un émetteur assujetti au Canada. Les filiales de Placements AGF sont Placements AGF Inc. (PAGFI), AGF Investments America Inc. (AGFA), AGF Investments LLC (AGFUS) et AGF International Advisors Company Limited (AGFIA). AGFA et AGFUS sont inscrites aux États-Unis à titre de conseillers. PAGFI est inscrite à titre de gestionnaire de portefeuille auprès des commissions de valeurs mobilières à travers le Canada. AGFIA est réglementée par la Central Bank of Ireland et est inscrite auprès de l’Australian Securities & Investments Commission. Les filiales faisant partie de Placements AGF gèrent plusieurs mandats comprenant des actions, des titres à revenu fixe et des éléments d’actif équilibrés.
MD Le logo « AGF » est une marque déposée de La Société de Gestion AGF Limitée et est utilisé aux termes de licences.
Au sujet de La Société de Gestion AGF Limitée
Fondée en 1957, La Société de Gestion AGF Limitée (AGF) est une société indépendante de gestion de placements diversifiés à l’échelle mondiale. AGF apporte de la discipline en offrant l’excellence en matière de gestion de placements par l’entremise de ses volets axés sur des activités fondamentales et quantitatives de même que sur des actifs non traditionnels et des avoirs de particuliers bien nantis, afin de procurer une expérience exceptionnelle à la clientèle. La gamme de solutions d’investissement d’AGF s’étend à l’échelle mondiale à une vaste clientèle, depuis les conseillers financiers jusqu’aux investisseurs particuliers et aux investisseurs institutionnels comprenant des caisses de retraite, des programmes d’entreprise, des fonds souverains, des fonds de dotation et des fondations.
Pour de plus amples renseignements, veuillez visiter AGF.com.
Ⓒ 2023 La Société de Gestion AGF Limitée. Tous droits réservés.