
Les titres du secteur de l’agriculture et la crise alimentaire imminente à l’échelle mondiale
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Le 15 juin 2022
Les problèmes relatifs à la chaîne d’approvisionnement qui affectent tout, des produits de base aux biens de consommation, sont devenus une réalité dans la foulée de la pandémie, et le conflit en Ukraine a accentué la pression sur un système mondial déjà mis à rude épreuve. L’attention du marché a surtout porté sur la flambée des prix de l’énergie, car la Russie, qui représente environ 10 % de la production mondiale de pétrole, a été coupée des marchés d’exportation. Du fait de ce manque, les sociétés pétrolières et gazières occidentales ont enregistré des flux de trésorerie supérieurs ainsi que des rendements élevés pour leurs actionnaires. Néanmoins, alors que le conflit perdure, les investisseurs accordent de plus en plus d’importance à l’impact d’une autre crise mondiale de l’offre – celle des denrées alimentaires – et aux occasions potentielles que présentent les matériaux liés à l’agriculture comme les engrais et les produits phytosanitaires (c’est-à-dire les pesticides).
Avant la fin de février, lorsque l’invasion de l’Ukraine par la Russie a forcé l’arrêt de grands ports et fait de cette dernière un paria économique, les deux pays étaient des greniers à blé – d’importants exportateurs de blé et d’autres denrées alimentaires qui fournissaient chacun environ 6 % des calories mondiales, selon le système d’information sur les marchés agricoles (« AMIS »). En fait, la Russie est le plus gros exportateur de blé au monde, l’Ukraine occupant la cinquième place, selon les rapports de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.
En Ukraine, de nombreux agriculteurs ont pris les armes contre la Russie, et ceux qui sont restés pour cultiver leurs terres ont du mal à trouver de la main-d’œuvre. Selon le service agricole étranger du ministère américain de l’agriculture, l’Ukraine devrait récolter moins de la moitié des 80 millions de tonnes de céréales (blé, maïs, orge) qu’elle a produites en 2021. Certaines régions du monde sont plus touchées que d’autres par les pénuries qui en résultent, notamment les pays tributaires des importations alimentaires en Asie du Sud, au Moyen-Orient et en Afrique subsaharienne. Par exemple, l’Égypte est le premier importateur mondial de blé ukrainien; le Liban et le Pakistan sont pour ainsi dire tout aussi dépendants – le Pakistan comptant sur l’Ukraine pour la moitié de son approvisionnement en céréales, selon le Programme alimentaire mondial des Nations Unies.
La conséquence de tout cela? Le 5 mai 2022, l’indice des prix agricoles de la Banque mondiale avait grimpé de 41 % en regard de janvier 2021, alors que le prix du blé était 60 % plus élevé. Selon le rapport Commodity Markets Outlook d’avril 2022 publié par la Banque mondiale, la guerre en Ukraine a modifié la physionomie des échanges, de la production et de la consommation dans le monde et les prix vont se maintenir à des niveaux historiquement élevés jusqu’à la fin de 2024.
En outre, la hausse des coûts des engrais, qui est également liée à la guerre en Ukraine, a davantage exacerbé l’inflation sur les prix des aliments. Selon Morgan Stanley, la Russie et la Biélorussie représentent environ 40 % des exportations mondiales de potasse, un composant clé de nombreux engrais. La potasse provenant de la Biélorussie faisait déjà l’objet de sanctions avant la guerre en Ukraine; et maintenant, la Russie est aussi exclue de nombreux marchés. De surcroit, la Russie et l’Ukraine exportent 28 % des engrais composés de nitrogène et de phosphore. Bien que les engrais venant d’Ukraine ne soient pas visés par des sanctions, les routes de transport ont été perturbées et une grande partie de ces produits ne sortent pas du pays. En mai, les prix au comptant de la potasse avaient augmenté de plus de 175 % par rapport à l’année précédente, selon Y Charts, une plateforme de recherche sur les investissements, alors que des données de Bloomberg indiquent que le prix de l’ammoniac (un autre composant clé des engrais) est demeuré près de 90 % plus élevé malgré une récente modération des prix.
Le reste de la planète ne pourrait-il tout simplement pas produire plus de denrées alimentaires? Dans les faits, ce n’est pas si simple. Bien que les cultures agricoles soient pratiquées partout dans le monde, les conditions de sol fertile de la Russie et de l’Ukraine ne sont pas facilement reproductibles. Les conditions météorologiques de 2022 n’aident pas non plus. Par exemple, le Brésil est un grand producteur de maïs, mais des conditions plus sèches que la normale augmentent le risque d’une autre année de récoltes réduites en juin et en juillet; environ 30 à 40 % des récoltes actuelles de maïs du Brésil seraient soumises à un certain niveau de stress hydrique. Aux États-Unis, le National Weather Service prévoit des températures supérieures à la normale et des précipitations inférieures à la normale dans les principales régions productrices de blé, comme le Colorado, le Texas, l’Oklahoma et l’ouest du Kansas, et ce, jusqu’à la fin de juillet.
Compte tenu de tous ces enjeux liés à l’approvisionnement en céréales essentielles, la sécurité alimentaire est menacée. Depuis le début de la guerre en Ukraine en février, 23 pays (à la fin d’avril) ont imposé des restrictions à l’exportation de denrées alimentaires, ce qui représente environ 17 % du total des calories échangées à l’échelle mondiale, selon AMIS. De nombreuses régions se sont tournées vers l’Inde – un important exportateur de blé l’an dernier – pour aider à compenser la perte d’offre de l’Ukraine; mais, le 13 mai, le pays a interdit toute exportation de son blé, selon Bloomberg.
Ces réalités laissent entendre que l’inflation sur les prix des aliments se poursuivra encore pendant un certain temps, et que l’approvisionnement en denrées alimentaires pourrait devenir de plus en plus ardu. Il va sans dire que les agriculteurs travailleront fort à favoriser le plus de cultures possible pour pouvoir profiter des prix élevés sur les marchés; afin d’améliorer leurs rendements, ils utiliseront probablement autant d’engrais et de produits phytosanitaires qu’il est économiquement possible de le faire. Les stocks de produits chimiques agricoles, y compris les pesticides, subissent déjà l’impact de la pandémie et de la hausse des coûts de l’énergie, et avant le conflit en Ukraine, les agriculteurs étaient confrontés à des prix élevés. Dans le contexte actuel, la demande devrait continuer de croître et les problèmes persistants d’approvisionnement pourraient étayer l’inflation au moins jusqu’à la saison de croissance de 2022 et peut-être au-delà.
Même lorsque la guerre en Ukraine aura pris fin, il semble improbable que les sanctions imposées par l’Occident contre la Russie soient immédiatement levées. De plus, il faudra un certain temps pour rétablir les routes de transport de l’Ukraine. D’après ces conjectures, les denrées alimentaires et les engrais de l’Ukraine et de la Russie ne pourront que retourner lentement sur les marchés mondiaux; ainsi, nous pouvons nous attendre à des prix élevés à moyen et à long termes. Selon nous, les sociétés fabricant des engrais et des produits phytosanitaires pourraient continuer de tirer parti des niveaux élevés de flux de trésorerie dans la présente conjoncture – tout comme les investisseurs.
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