
L’inflation est-elle partout? L’Asie n’est pas encore touchée
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Le 30 mars 2022
Au début de 2022, l’inflation était déjà une préoccupation importante pour les investisseurs mondiaux, et l’invasion de l’Ukraine par la Russie n’a fait qu’accroître le problème. Soudain, l’un des principaux producteurs de produits de base dans le monde a été la cible de sanctions de la part de l’Occident, et une puissance agricole, l’Ukraine, est devenue une zone de guerre, cessant ses exportations de céréales et mettant ainsi en péril la sécurité alimentaire mondiale. Maintenant que la guerre se poursuit et que les sanctions contre la Russie risquent de s’intensifier, d’autres pénuries de produits de base et des prix encore plus élevés semblent des perspectives très réelles.
Bref, l’inflation à l’échelle mondiale évolue rapidement. Il est toutefois important de noter qu’il ne s’agit pas d’un portrait uniforme, surtout dans les marchés émergents. Avant la pandémie de COVID-19, l’inflation dans les pays des marchés émergents était généralement stable ou en baisse, mais à partir du deuxième trimestre de 2020, elle a divergé, et le point d’inflexion est marqué. En Asie, l’inflation demeure remarquablement faible, tandis que dans les autres pays émergents, elle suit (ou dépasse) la tendance mondiale.
En janvier, l’inflation globale mesurée par l’IPC des 11 marchés émergents asiatiques que nous couvrons se situait dans une fourchette de 0,9 % à 6 %, aucune économie n’ayant enregistré une inflation supérieure à son sommet des 10 dernières années, selon UBS Investment Bank. L’inflation globale était de 5,7 % à 10 % dans certaines économies d’Europe de l’Est et d’Amérique latine en janvier, sans parler de l’inflation aux États-Unis et dans la zone euro, qui a atteint des sommets inégalés depuis des décennies.
Pourquoi un tel écart? Même si les prix de l’alimentation et de l’énergie ont fortement augmenté dans la région de l’EMOA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) et les marchés d’Amérique latine, ils sont demeurés relativement modérés en Asie. De plus, les marchés émergents asiatiques ont tendance à afficher des monnaies plus stables, de sorte qu’ils ont été moins sensibles à la volatilité des taux de change lorsque les taux américains ont augmenté. Fait important, deux facteurs liés à la COVID-19 sont également en jeu, à savoir la réouverture de l’économie et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement. L’incidence de ces facteurs est différente en Asie par rapport au reste du monde.
Les données sur la mobilité, qui mesurent la capacité d’une population à se déplacer, constituent un indicateur utile. Au pire de la pandémie au début de 2020, la plupart des pays d’Asie affichaient, selon UBS, des taux de mobilité plus élevés que le reste des marchés émergents. Pourquoi? Parce que les pays asiatiques, dont bon nombre avaient eu récemment à contenir une épidémie, ayant été durement touchés par le SRAS en 2002-2003, ont pris des mesures rapides et efficaces pour garder leurs économies relativement ouvertes. L’approche de la Chine a consisté à isoler les zones fortement infectées. Taïwan a adopté une approche différente, agissant rapidement pour fermer ses frontières et adopter le port du masque et des mesures de distanciation sociale. Par conséquent, l’incidence sur la mobilité a été relativement faible : les creux n’ont pas été aussi bas que dans d’autres pays, de sorte que lors de la réouverture, les sommets ne sont pas aussi élevés. La réouverture des économies des pays d’Asie a été plus graduelle, moins binaire, qu’en Occident.
Cela leur a peut-être permis d’éviter les chocs soudains de la demande qui se sont produits ailleurs. Dans d’autres marchés émergents, les gouvernements étaient moins disposés à mettre en quarantaine certains secteurs de l’économie ou à adopter des mesures de distanciation, même lorsqu’ils étaient plus enclins à revenir à la normale. La mobilité dans ces régions a chuté au pire de la pandémie, et maintenant que leurs économies rouvrent, la demande et les prix augmentent plus rapidement que prévu.
Comme on pouvait s’y attendre, les banques centrales de ces régions relèvent les taux également plus rapidement. Depuis leur creux du milieu de 2021, les taux d’intérêt de l’indice de référence pour un panier composé des onze principaux marchés de l’EMOA et de l’Amérique latine ont augmenté de plus de 4 000 points de base, selon UBS. Et cela ne s’arrêtera sans doute pas là. La guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie auront des répercussions sur les marchés émergents, principalement à cause de leurs répercussions sur les chaînes d’approvisionnement et les prix des produits de base. Certains pays au sein des marchés émergents (les pays producteurs de pétrole du Golfe, l’Afrique du Sud, le Brésil) devraient profiter de la hausse des prix, et leurs termes de l’échange pourraient s’améliorer. La hausse des prix des aliments et de l’énergie pourrait toutefois aussi faire grimper l’inflation suffisamment pour déclencher un nouveau resserrement monétaire, plus particulièrement en Europe centrale et en Amérique latine.
L’autre facteur qui a le plus contribué à isoler l’Asie de l’inflation est le fait que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement n’ont tout simplement pas la même incidence, car les bouleversements en aval ont été plus importants pendant la pandémie. Les hausses des taux de fret ont été beaucoup plus prononcées sur les trajets d’Asie vers les États-Unis et d’Asie vers l’Europe que pour les trajets d’Asie vers l’Asie, ou même entre les États-Unis et l’Europe vers l’Asie, selon Statista. Et lorsqu’il y a des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement, un plus grand nombre de fournisseurs de remplacement sont disponibles localement en Asie du Sud-Est que dans les marchés émergents. Bien que cela soit en partie grâce à la diversification de ces dernières années visant à éviter la Chine, la proximité géographique de la deuxième économie mondiale présente encore des avantages évidents. La Chine a, entre autres, réussi à trouver des moyens de mettre en œuvre sa politique « zéro COVID » tout en maintenant les usines ouvertes, ce qui a contribué à atténuer les perturbations de la chaîne d’approvisionnement.
Pourtant, même si l’inflation a été mieux contenue en Asie que dans les autres marchés émergents ou en Occident, cette divergence devrait se dissiper au cours des prochains mois, à mesure que les économies poursuivront leur réouverture, et si la guerre en Ukraine exerce davantage de pressions sur les prix de l’énergie et des aliments. Dans ce cas, les banques centrales des pays d’Asie pourraient être forcées de réagir. Selon Reuters, la Corée du Sud a été le premier pays asiatique à commencer à relever les taux, avec une troisième hausse en six mois, en janvier dernier. Dans d’autres marchés asiatiques, où l’assouplissement quantitatif a été une importante mesure contre la pandémie – il a, selon UBS, représenté plus de 6 % du PIB aux Philippines et en Indonésie – les banques centrales devraient réduire leur bilan comme première étape vers la normalisation de leur politique.
Pour les investisseurs, la hausse de l’inflation dans les marchés émergents non asiatiques et la perspective d’une telle hausse en Asie pourraient avoir plusieurs ramifications. Ils pourraient tout d’abord chercher des occasions dans les marchés émergents riches en produits de base, comme le Brésil, l’Indonésie et l’Afrique du Sud, qui pourraient connaître une amélioration du solde extérieur si les prix des produits de base augmentaient.
D’un point de vue plus général, la façon dont les perspectives d’inflation en Asie évolueront au cours des prochains mois mérite qu’on s’y attarde, car celles-ci seront probablement plus nuancées que dans d’autres marchés émergents ou en Occident. Pour les investisseurs à la recherche d’occasions à l’échelle mondiale, la divergence de l’inflation en Asie rappelle que les réalités régionales et locales peuvent faire une grande différence, et que les marchés émergents ne sont pas tous les mêmes.
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