Pourquoi est-il trop tôt pour crier victoire sur l’inflation (il existe encore des craintes d’une récession)?
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Le 9 mars 2023
Moins de trois mois après le début de l’année, la conjoncture économique a changé considérablement. Au quatrième trimestre de 2022, la majorité des analystes étaient d’avis que le sommet de l’inflation était derrière nous et que l’économie ralentissait à un rythme alarmant, tant en Amérique du Nord qu’à l’échelle mondiale. En fait, selon certains indicateurs, les attentes d’une récession imminente atteignaient des niveaux records depuis des décennies. Toutefois, l’histoire démontre aussi à quel point il est difficile de prévoir une récession. En effet, qu’il s’agisse de banques centrales, d’économistes ou d’investisseurs, les observateurs peuvent avoir du mal à déterminer les conditions signalant une récession en temps réel, même lorsqu’ils se trouvent au milieu d’un tel phénomène.
Le premier aspect relatif aux perspectives consensuelles – la désinflation – s’est déroulé comme prévu. Diverses mesures de la variation des prix, y compris l’inflation des prix à la production, les indices des prix à la consommation et les dépenses personnelles de consommation, ont ralenti dans la plupart des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) par rapport à leurs sommets atteints en 2022, bien que le rythme de la modération ait été désespérément lent en raison de la vigueur surprenante des données les plus récentes. La tendance s’est également manifestée dans les prix des produits de base, surtout ceux de l’énergie et de l’alimentation, et les prix des biens de base, qui ont profité d’une diminution des problèmes dans la chaîne d’approvisionnement et d’un déplacement de la demande des biens vers les services. Même certains des prix de base les plus obstinés ont commencé à reculer par rapport à leurs sommets. Cette tendance, conjuguée aux craintes d’un ralentissement économique, a entraîné une remontée du marché obligataire au début de l’année, car les taux obligataires ont reculé par rapport à leurs sommets de l’automne dernier.
Pourtant, les craintes d’une récession se sont avérées erronées. Plusieurs facteurs ont contribué à la résilience économique. Les entreprises et les consommateurs ont profité d’un dividende vigoureux sous la forme d’une baisse substantielle des prix, le pétrole et l’essence ayant chuté de 40 % par rapport à leurs niveaux du début de 2022, tandis que le gaz naturel en Amérique du Nord et en Europe a reculé de 80 %. Les dépenses en immobilisations ont augmenté lorsque les sociétés se sont adaptées aux problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement et se sont efforcées de reconstituer leurs sources de biens bruts et intermédiaires en raison de l’incertitude géopolitique grandissante. Enfin, les consommateurs disposent toujours d’une réserve d’épargnes excédentaires découlant de leur réaction à la pandémie, qui pourrait durer au moins jusqu’à l’été aux États-Unis. Ainsi, les données économiques ont été supérieures aux attentes. Ce contexte idéal à la désinflation et à la croissance économique a transformé le discours : il est maintenant question d’un « atterrissage en douceur », voire d’aucun « atterrissage ». En raison de l’amélioration des perspectives écartant l’idée d’une récession, les taux obligataires ont rebondi en février.
Néanmoins, les participants aux marchés pourraient encore une fois adopter une mauvaise perspective. Tout d’abord, même si la désinflation pourrait persister pendant encore quelques mois, nous ne sommes peut-être pas encore au bout de nos peines. À notre avis, le potentiel de réaccélération de l’inflation plus tard cette année pourrait être sous-estimé. Voici six raisons pour lesquelles nous pensons ainsi :
- Les effets bénéfiques de la baisse des prix de l’énergie pourraient s’estomper à mesure que l’offre devient plus restreinte, les prix approchant des bases de coûts de production et les problèmes géopolitiques potentiels dans des régions comme la Russie, l’Ukraine, l’Iran et le Moyen-Orient demeurant élevés.
- L’économie chinoise accélère de nouveau cette année à mesure qu’elle rouvre.
- Une combinaison de rajustements du coût de la vie oscillant entre 5 % et 10 % et de négociations de contrats pluriannuels à des pourcentages de 5 % (ou plus) pourrait exercer des pressions sur les salaires et l’inflation dans le domaine des services.
- La résilience économique dont il a été question ci-dessus, conjuguée aux conditions financières qui sont en fait plus souples qu’au début du cycle de hausse, ne devrait pas permettre aux pressions inflationnistes de s’atténuer autant que les autorités l’espèrent.
- La dépréciation marquée du dollar américain (mesurée selon un indice général), qui demeure près de 10 % en deçà de son sommet de septembre, même après une remontée en février, pourrait entraîner une hausse de l’inflation des importations.
- Enfin, les comparaisons simples sur 12 mois de l’inflation que nous observons actuellement deviendront plus difficiles dans la seconde moitié de 2023, alors que l’économie s’approche des données d’inflation mensuelle plus modérée de la seconde moitié de 2022.
Pour ces raisons, nous estimons que le marché est trop optimiste à l’égard de la désinflation, comme en témoignent les taux d’inflation neutre, qui ont reculé pendant la majeure partie de 2022, même si les investisseurs étaient surtout préoccupés par l’inflation. Les taux d’inflation neutre ont enfin commencé à augmenter au cours des dernières semaines, les marchés commençant à réévaluer les perspectives d’inflation à moyen terme, ce qui constitue un facteur clé de la récente hausse des taux obligataires.
Les perspectives économiques sont un autre élément que le marché sous-estime peut-être. Le fameux « revirement » a fini par se produire non pas dans la politique des banques centrales, mais plutôt dans les craintes d’une récession, qui sont passé des plus hauts niveaux jamais atteints à un « atterrissage en douceur » et à « aucun atterrissage » en deux mois remarquablement courts. Le résultat, toutefois, est que les taux directeurs terminaux des banques centrales ont augmenté et contribué à la récente remontée des taux obligataires. Ironiquement, cette révision des attentes à l’égard du taux du financement à un jour entraîne un resserrement de la politique monétaire. Même si les hausses de taux n’ont pas encore fait dérailler l’économie, la trajectoire du deuxième semestre semble de plus en plus fragile, car l’effet décalé du cycle de hausse le plus important et le plus rapide d’une génération se fait sentir. Si l’on ajoute à cela un ralentissement des dépenses en immobilisations par rapport aux niveaux élevés de 2022, et la possibilité que les consommateurs épuisent le reste de leurs épargnes excédentaires cumulées pendant la pandémie, les perspectives d’une récession semblent simplement reportées, et non éliminées. Si la probabilité d’une situation « sans atterrissage » s’estompe, nous croyons que celle d’une récession l’hiver prochain continue d’augmenter.
Que signifie ce dénouement pour les taux obligataires?
Un autre accroissement potentiel de l’inflation (quoique pas aussi élevée ou intense qu’en 2022) et une résilience économique à court terme laissent entrevoir le risque que les taux obligataires n’aient pas encore atteint leur sommet. Toutefois, si une récession se produit vers la fin de 2023 ou au début de 2024, les taux pourraient commencer à chuter plus tard cette année en prévision de ce résultat. Dans l’ensemble, nous nous attendons à ce que les taux obligataires restent confinés dans une fourchette en 2023, après la forte remontée en 2022.
Pour l’instant, nous conservons des positions à duration courte, même si la récente hausse des taux obligataires offre une occasion de recommencer à grappiller, et nous envisageons de profiter de la hausse des taux pour allonger la duration au fil de l’année. De plus, les obligations indexées sur l’inflation semblent plus intéressantes, et nous avons recommencé à y investir. Les obligations de sociétés assorties de taux intéressants constituent le troisième élément auquel nous avons accordé beaucoup d’importance. Les occasions que nous recherchons comprennent les obligations de qualité dont le taux de rendement est nettement supérieur à 5 %, les obligations à rendement élevé dont le taux de rendement se situe entre 8 % et 10 % ou plus, de solides perspectives d’affaires (à notre avis) et les occasions particulières dans d’autres segments du marché des titres à revenu fixe, comme les débentures convertibles, les prêts à effet de levier et les titres de créance des marchés émergents. Ensemble, ces titres peuvent donner lieu à des portefeuilles procurant des rendements de 5 % à 10 %.
Comme les taux obligataires devraient représenter la majorité des rendements pour les investisseurs en obligations (comme cela a toujours été le cas au fil du temps), les rendements des titres à revenu fixe devraient non seulement être beaucoup plus élevés en 2023 qu’en 2022, mais devraient aussi constituer une solution de rechange plus viable aux actions que ce qui a été le cas pendant la majeure partie de la période qui a suivi la grande crise financière. Les obligations offrent maintenant un rendement plus concurrentiel, un meilleur potentiel de protection contre les baisses en cas de récession et une volatilité inférieure à celle des actions, malgré le risque élevé de l’an dernier.
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