
Prudence, la crise n’est pas terminée
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Le 18 juin 2020
Le retour de la volatilité sur les marchés boursiers est une conséquence des craintes croissantes au sujet d’une nouvelle vague d’épidémie et des répercussions potentielles sur la reprise encourageante de l’économie mondiale. Kevin McCreadie, chef de la direction et chef des investissements d’AGF, explique pourquoi les investisseurs ne devraient pas se reposer sur leurs lauriers.
Les marchés boursiers ont connu des liquidations importantes la semaine dernière, avant de remonter quelques jours plus tard. Quelle est la raison de ce retour de la volatilité?
La semaine dernière, les investisseurs ont été véritablement tiraillés entre une série de bonnes et de mauvaises nouvelles : d’un côté, par exemple, les chiffres historiques des ventes au détail aux États-Unis et l’annonce d’un nouveau plan de relance gouvernemental ont soutenu la hausse des marchés, alors que, parallèlement, ces derniers pâtissent de la crainte croissante liée à une seconde vague de pandémie. Or, ce risque n’est pas encore pleinement appréhendé : aux dernières nouvelles, au moins 21 États des États-Unis enregistrent désormais une hausse du nombre moyen de nouveaux cas quotidiens. Fait peut-être plus alarmant encore : depuis Memorial Day, les hospitalisations ont augmenté de plus de 100 % dans certains États comme l’Arkansas, et elles ont dépassé des niveaux records dans d’autres États comme le Texas et l’Arizona. D’autres pays constatent également une résurgence de la maladie, y compris la Chine, qui a réintroduit des mesures de confinement à Beijing après l’apparition d’un nouveau groupe de cas dans l’un des plus grands marchés alimentaires de la ville, plus tôt ce mois-ci. Les investisseurs sont donc naturellement de nouveau aux aguets, car ils doivent évaluer la vigueur de la relance économique face aux répercussions potentielles d’une recrudescence de l’épidémie. Les prochaines semaines vont être nettement plus volatiles que ce que l’on a connu depuis la fin du mois de mars, lorsque les actions ont atteint un creux et ont amorcé leur remontée.
S’agit-il d’un douloureux retour à la réalité pour certains investisseurs qui se croyaient peut-être au bout de leurs peines?
Il est vrai que les achats étaient sûrement excessifs sur le marché, car de nombreux investisseurs se montraient bien trop optimistes vis-à-vis de la vigueur de la reprise économique. Cela est devenu particulièrement évident lors des deux séances de bourse qui ont suivi la publication des chiffres de l’emploi au mois de mai aux États-Unis, où les gains des actions ont été colossaux. Les données relatives au marché du travail ont été manifestement plus encourageantes que prévu, avec la création de 2,5 millions de nouveaux emplois en mai, mais le taux de chômage s’est malgré tout établi à 13 % (voire à un taux plus élevé encore, selon la prise en compte d’autres facteurs), ce qui est loin d’indiquer une économie forte. En d’autres termes, le marché n’a pas tout à fait réagi en phase avec la réalité de la situation, même si, bien évidemment, cela est quelque peu différent aujourd’hui, en raison de la hausse du nombre de cas de COVID-19. Les investisseurs doivent désormais revoir leurs prévisions quant à la rapidité et à la fluidité de la reprise économique. Comme l’a fait solennellement remarquer le président de la Réserve fédérale américaine Jerome Powell, il pourrait s’écouler un long moment avant que l’économie américaine puisse de nouveau fonctionner à plein régime.
On a beaucoup parlé de la participation accrue des investisseurs de détail, ces derniers mois. Cela a-t-il joué un rôle dans la récente dynamique du marché?
Soyons clairs : la remontée des actions depuis le creux atteint au mois de mars ne relève pas totalement du mirage. Même si la prudence reste de mise au sujet de la reprise économique, il ne fait aucun doute que l’économie mondiale se remet timidement. Toutefois, la spéculation joue un rôle dans cette amélioration, et ce n’est peut-être pas un hasard si la participation des investisseurs de détail n’a pas été aussi solide depuis les années 1990. Pour rappel, les investisseurs de détail ont mis des années à revenir en force sur le marché après la crise financière de 2008-2009, mais les spéculations sur séance se sont multipliées dernièrement, tout comme cela avait été le cas à l’époque de la course aux entreprises technologiques. Il reste à voir si cette prolifération entraînera la création d’une bulle semblable, ce qui pourrait dépendre de la nature de la tendance : s’inscrira-t-elle dans la durée ou s’essoufflera-t-elle à mesure que la vie normale reprendra son cours? Quoi qu’il en soit, l’agitation sur le marché n’est pas l’œuvre des investisseurs institutionnels axés sur les positions longues, ces derniers ayant émis bien plus de réserves que les investisseurs de détail quant à la reprise.
Quel facteur soutiendra les marchés boursiers, maintenant que nous avons accusé un certain repli?
Comme je l’ai mentionné plus tôt, la volatilité s’intensifiera probablement, mais ce sont sans doute les mêmes questions qui ont permis au marché de se relever qui continueront de se poser. À commencer par celle du virus et de la possibilité d’une seconde vague, plus ou moins importante : cette vague se répandra-t-elle au point que des pays entiers doivent de nouveau fermer? Ou sera-t-elle plus contenue, permettant à des volets de l’économie de rester ouverts? En deuxième lieu vient la question de la vigueur de la reprise économique, même si une seconde vague d’épidémie entraînerait moins de perturbations que la première. Les investisseurs devront donc absolument se tenir à jour, à propos aussi bien du virus que de l’économie, afin de déterminer l’orientation des marchés. Par exemple, les sources de données d’appoint, comme les réservations dans les restaurants et les ventes de cartes de crédit, peuvent permettre de connaître en temps réel les habitudes des consommateurs, de même que les industries et les secteurs de l’économie qui se redressent plus vite que les autres.
Quel sera le rôle des gouvernements et des banques centrales, à l’avenir? Ils ont déjà beaucoup influé sur le rendement des marchés boursiers, cette année.
Les mesures de relance constituent un aspect essentiel de la reprise. D’autres initiatives d’aide devraient d’ailleurs voir le jour. Les États-Unis, par exemple, travaillent à l’élaboration d’un programme d’aide supplémentaire de 1 000 milliards $US afin de soutenir les petites entreprises et les personnes au chômage du fait du coronavirus. Par ailleurs, les marchés ont rebondi cette semaine, après l’annonce selon laquelle l’administration Trump envisageait un programme d’investissement dans les infrastructures de l’ordre de 1 000 milliards $US. Parallèlement, la Commission européenne a récemment proposé un fonds de relance de 750 milliards €, tandis que d’autres pays, dont le Japon, ont annoncé ces dernières semaines des mesures de relance supplémentaires visant à étayer leurs économies respectives. Somme toute, ces types de mesures budgétaires devraient rester un facteur important pour les actions, tant que la nécessité d’y recourir continue de dépasser les conséquences potentielles à long terme d’un endettement massif.
Kevin McCreadie est chef de la direction et chef des investissements à La Société de Gestion AGF Limitée. Il contribue régulièrement à Perspectives AGF.
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