Voici pourquoi le Japon pourrait devenir le prochain chef de file des semi-conducteurs
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Le 8 août 2024
Le marché boursier du Japon a été durement touché par la récente correction qui a aussi secoué ses homologues mondiaux, mais la débâcle – et la volatilité actuelle qui y est associée – n’a pas complètement ruiné une année autrement positive pour de nombreux titres japonais. En fait, malgré un récent repli de 25 % subi au cours du mois dernier, l’indice Nikkei 225 a tout de même enregistré un gain de près de 5 % depuis l’année dernière, en plus d’avoir affiché un rendement brut de près de 8 % sur 12 mois. La grande question pour les investisseurs est maintenant de savoir si la remontée remarquable du Japon peut se poursuivre.
Nous croyons qu’il y a des raisons de croire que c’est possible. La faiblesse du yen par rapport au dollar américain soutient les sociétés japonaises axées sur les exportations. L’économie est sortie de la pandémie de COVID-19 et renoue avec la croissance. L’inflation est repartie à la hausse et, dans un pays qui a été aux prises avec la déflation pendant la majeure partie des 35 dernières années, cette situation est généralement bien accueillie. Par ailleurs, les réformes en matière de gouvernance des entreprises, pilotées il y a dix ans par le défunt premier ministre Shinzo Abe, semblent enfin avoir un effet sur la confiance des investisseurs.
Cela dit, les investisseurs voudront peut-être tenir compte d’une autre réalité qui favorise l’optimisme à long terme à l’égard du Japon : le pays trône au sommet de la compétition mondiale opposant les superpuissances économiques qui cherchent à stimuler et à renforcer leur industrie des semi-conducteurs.
Puisque les économies sont connectées sur le monde et sont passées à l’ère numérique, les semi-conducteurs jouent un rôle déterminant. Il s’agit d’une composante essentielle de toute technologie, des ordinateurs aux téléphones intelligents en passant par les réfrigérateurs et les automobiles. Même si leurs usages sont très diversifiés, leur production est toutefois incroyablement concentrée. Selon The Economist, près des deux tiers des semi-conducteurs et plus de 90 % des puces les plus avancées qui sont utilisés dans des technologies comme l’intelligence artificielle dans le monde sont produits dans une seule région, à savoir Taïwan. (La Corée du Sud, le Japon, la Chine et les États-Unis font également partie des cinq principaux pays producteurs de puces.)
La pandémie de COVID-19 a mis en lumière la vulnérabilité inhérente de la chaîne d’approvisionnement peu diversifiée des semi-conducteurs. Les fabricants partout dans le monde, y compris au Japon, n’ont pas pu obtenir les puces dont ils avaient besoin, ce qui a eu une incidence sur l’offre ainsi que sur les prix dans presque tous les secteurs, et entraîné des répercussions dans toutes les économies. En 2021 aux États-Unis seulement, la pénurie de semi-conducteurs a coûté 120 G$US à l’économie, selon un rapport de CBS News. Par ailleurs, les forces géopolitiques, plus particulièrement l’intensification des tensions entre les États-Unis et la Chine, ont accru les risques pour la chaîne d’approvisionnement des puces. La Chine revendique le territoire de Taïwan et, dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les craintes que la Chine « rapatrie » l’épicentre mondial de la production de puces se sont accentuées. Par conséquent, l’intégrité de l’offre de semi-conducteurs est devenue un enjeu à la fois économique et de sécurité nationale pour l’Occident et pour Taïwan en soi.
Ces facteurs ont incité les décideurs et les chefs d’entreprise à tenter de restructurer considérablement la chaîne d’approvisionnement des semi-conducteurs, et ce, en offrant un soutien gouvernemental d’envergure pour la production intérieure. La Chine a lancé un ambitieux programme visant à subventionner les producteurs afin de réduire la dépendance aux puces provenant des États-Unis et de leurs alliés. Dans l’Union européenne, l’initiative « Chips for Europe » consacre des milliards de dollars au renforcement des capacités technologiques et à l’innovation. Aux États-Unis, la Creating Helpful Incentives to Produce Semiconductors (CHIPS) Act, adoptée en 2022, prévoit plus de 50 G$US pour la fabrication de semi-conducteurs, la recherche et le développement à cet égard ainsi que la collaboration avec des pays amis afin de favoriser la production intérieure de puces.
Le Japon n’est pas resté sur la touche. Même si les États-Unis ont investi presque le double de ce qu’a investi le Japon en données absolues jusqu’à présent, aucun pays n’a investi plus que le Japon en proportion de son produit intérieur brut (PIB). Selon un rapport publié en avril par le conseil du système budgétaire, un sous-comité du ministère des Finances, le Japon a investi 3 900 milliards de yens pour soutenir le segment des puces, ce qui représente environ 0,7 % de son PIB et dépasse les investissements des États-Unis (0,2 %), de l’Allemagne (0,4 %) et de la France (0,2 %).
Cet investissement a déjà produit des résultats tangibles, le gouvernement japonais et certaines de ses plus grandes sociétés ayant courtisé activement les géants des semi-conducteurs en Corée du Sud et, surtout, à Taïwan pour qu’ils collaborent à l’augmentation de la production de puces au Japon. En 2022, le Japon et la plus grande fonderie de semi-conducteurs de Taïwan ont annoncé leur intention de construire une nouvelle usine de fabrication de puces à Kumamoto. Cette dernière a officiellement ouvert ses portes en février, à peine deux ans après l’annonce, ce qui est remarquable pour un projet de construction aussi complexe. Les subventions gouvernementales de plusieurs milliards de dollars ont été bénéfiques, tout comme les syndicats japonais relativement souples et le soutien de géants du secteur des technologies, comme l’a soulevé Bloomberg. Le succès du Japon à Kumamoto contraste fortement avec celui d’une usine de fabrication de puces en Arizona – le résultat d’un partenariat entre les États-Unis et la même fonderie taïwanaise. Ce projet accuse un retard important, en raison de nombreux obstacles culturels et techniques.
L’usine de Kumamoto devrait commencer sa production plus tard cette année, mais d’autres travaux sont à venir. Quelques jours après l’ouverture de l’usine, le Japon a annoncé qu’il investissait près de 5 G$US dans la même fonderie taïwanaise pour construire une deuxième usine de fabrication à Kumamoto. Le plan est de produire des puces plus perfectionnées lorsque cette usine sera mise en opération en 2027.
Par ailleurs, des progrès sont réalisés dans le cadre d’un partenariat public-privé appelé Rapidus et lancé en 2022 en vue de la commercialisation de semi-conducteurs ultra-évolués de prochaine génération. Des sociétés technologiques japonaises ont investi des milliards de yens dans ce projet, lequel bénéficie aussi jusqu’à présent d’un financement gouvernemental de 330 milliards de yens (2,9 milliards de dollars canadiens). Une chaîne de production pilote pour Rapidus devrait être mise en place l’année prochaine et une production à grande échelle est prévue pour 2027.
Nous pensons que ces développements pourraient placer le Japon bien en avance sur d’autres pays dans la compétition mondiale au chapitre de l’approvisionnement sûr en semi-conducteurs. Le fait que le Japon n’ait pas tardé à prendre la tête de la course pourrait inciter les investisseurs à croire en la récente remontée du pays. Un approvisionnement sûr en semi-conducteurs pourrait fortement assurer le plan économique pour un marché boursier dominé par des sociétés de fabrication, d’électronique et d’autres technologies. À long terme toutefois, les répercussions potentielles de la production intérieure de puces revêtent peut-être plus d’importance. Comme la production nationale de puces se trouve au cœur de l’économie, un solide écosystème axé sur les semi-conducteurs pourrait favoriser un vaste éventail de sociétés qui soutiendront et innoveront dans un segment en croissance. Cela pourrait donner au Japon un avantage en matière d’innovation par rapport à d’autres pays, à mesure que des progrès sont réalisés dans des domaines comme l’intelligence artificielle, la personnalisation des technologies et la conduite autonome.
Bien entendu, la course mondiale à l’approvisionnement sûr en semi-conducteurs est loin d’être terminée. Le Japon et d’autres pays développés pourraient bien faire face à la concurrence féroce de nouveaux venus tirant parti de faibles coûts. Par exemple, le plus grand conglomérat de l’Inde a récemment ouvert la voie à deux usines de semi-conducteurs dans l’État du Gujurat dans le cadre d’un partenariat avec un autre producteur taïwanais de puces.
Il y a lieu toutefois de noter que le Japon a clairement et rapidement donné suite à son engagement politique et financier d’accroître sa capacité de production intérieure de semi-conducteurs. Pour un pays qui a depuis longtemps la réputation d’agir lentement sur les questions liées à l’économie et au marché, cela pourrait donner lieu à un changement important qui serait le bienvenu pour les investisseurs. Le ministre de l’Économie, Ken Saito, a d’ailleurs déclaré lors de l’annonce de la phase 2 du projet d’usine à Kumamoto : « Nous avons tiré des leçons des erreurs du passé, et je suis certain que nous avons ébloui le reste du monde par la rapidité avec laquelle nous avons mis ce projet en œuvre. »
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